Article de Boutheina Ayari, Conservateur du Patrimoine à l’INP
LE COMPLEXE HYDRAULIQUE ET CULTUEL ANTIQUE DE ZAGHOUAN
Le complexe hydraulique de Zaghouan est constitué principalement d’une nymphée connu sous le nom de Temple des eaux), un aqueduc, un petit nymphaeum, et un grand monument elliptique. C’est un chef d’œuvre architectural et l’un des complexes hydrauliques les plus impressionnants de l’Afrique proconsulaire. Le grand nymphée connu sous l’appellation de « temple des eaux », est d’une grande valeur archéologique, et constitue le point de départ d’un aqueduc long de 132 km. Cet ensemble,dont de nombreux tronçons marquent à ce jour le paysage en de nombreux endroits ,témoigne du génie créateur de l’homme.
Son aménagement est en rapport avec Carthage, capitale de la province, en particulier avec l’alimentation des thermes dits d’Antonin.
Plan du parc du temple des eaux
LES MONUMENTS
Le Temple des eaux ou Nymphée
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Contexte naturel
À une altitude de 295 m et sur la pente nord du Djebel Zaghouan s’élève le sanctuaire de Zaghouan appelé aussi Nymphée.
Construit au pied du jebel Zaghouan (massif de 9 km de long et de 3 km de large, culminant à 1295m), ce monument fut érigé sur une source d’eau très abondante.
L’une des particularités du massif de Jebel Zaghouan est sa géologie. Il est composé de calcaires datés du jurassique. Sous l’action de l’eau, ces roches se dissolvent et forment un véritable gruyère souterrain. Ainsi, de nombreux gouffres existent dans le Jebel. L’eau s’y infiltre et ressort au niveau de quelques points stratégiques dont la faille d’où jaillissait sa source principale.
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Composantes architecturales
C’est un ouvrage monumental de forme elliptique formé de deux escaliers, disposés symétriquement de part et d’autre d’un bassin en forme d’hémicycle, qui mènent à une cour élevée, de 21,20 m de largeur et de 30,27 m de profondeur. La cour centrale est entourée d’un portique formé de 12 niches avec des voutes bien conservés et menant à une petite cella à peu près carrée (416 X 411 cm) recouverte d’une voûte d’arête et munie d’une banquette assez haute aménagée sur la source.
D’après : Germain de Montauzan – Les Aqueducs antiques, 1908.
Le nymphée de Zaghouan reste, par ses dimensions et son état, après le sanctuaire sévérien de la source de Timgad, l’exemple le plus important et le mieux conservé de ce type de monuments en Afrique du nord.
La date de ce monument a été proposé selon des analyses d’ordre stylistique des éléments du décor architectoniques encore conservés in situ. Cette analyse tend à dater la construction de temple des eaux entre le milieu du IIè et le début du IIIè siècles après J.-C.
Le projet de restauration et de mise en valeur du Temple des Eaux de Zaghouan
Un projet de restauration et de mise en valeur a été initié par l’INP en 2006 dans le cadre du projet « La Route de l’Eau » qui avait pour objectif la conservation et la présentation des vestiges du Temple des Eaux et des monuments avoisinants. Des travaux de restauration ont commencé en août 2006 pour donner au visiteur une lecture plus nette du monument, sans pour autant toucher à son authenticité. Pour la présentation, plusieurs panneaux se sont installés pour décrire le tracé général du circuit de l’aqueduc et ses composantes architecturales et les informations historiques des différents vestiges. Le coût total de ces interventions étaient de l’ordre de 250 milles dinars
Restitution en 3D du temple des eaux (Kh. Karaoui, INP)
Le contexte archéologique et patrimonial :
Le complexe hydraulique romain Zaghouan- Carthage est un ensemble de monuments historiques classés entre 1891 et 1928. Ce complexe est constitué de : Le nymphée de Zaghouan – Le nymphée de Jougar – Le nymphée de Ain Jour – L’aqueduc de Zaghouan – Les citernes de la Maalga à Carthage.
Le 17 février 2012, L’Institut National du Patrimoine (INP) a adressé une proposition au bureau de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (Unesco) à Tunis, afin d’inscrire ce complexe sur la liste indicatif du patrimoine mondial de l’Humanité.
L’Aqueduc
Cet ensemble hydraulique est un chef d’œuvre architectural. Par son ampleur et par ses différentes composantes, il témoigne du génie créateur de l’homme.
Pour sa construction nous ne disposons d’aucune source littéraire ni d’un texte épigraphique. Mais on place sa construction vers le milieu du deuxième siècle ap. J.-C., différents indices laissent penser que l’empereur Hadrien fut à l’origine de ce grand projet.
Il a été utilisé au cours des siècles et l’est encore, de nos jours, sur de très longs tronçons par la Société nationale d’exploitation des eaux (SONEDE).
Après le captage de la source de Jebel Zaghouan et probablement celle de Ain Jour, une branche véhiculant les eaux du Nymphée d’Ain Djouggar fut construite vers la fin du IIè siècle, afin de constituer un débit d’apport supplémentaire considérable.
La longueur totale de l’aqueduc (les deux branches de Zaghouan et de Jougar comprises) est de 132 km,dont 17 km aériens dans la plaine de l’oued Miliane(arcades à doubles étages de 32 m de hauteur) et dans la dépression de Manouba, comprenant la branche principale allant de Zaghouan à Carthage (90,431 km), à laquelle il faut ajouter la branche la plus en amont, dite d’Aïn Jouggar, d’un peu plus de 40 km.
C’est donc l’aqueduc le plus long parmi les aqueducs connus du monde romain.
Tout au long de l’histoire, de nombreuses réparations de l’ouvrage et des branches se sont ajoutées à cet aqueduc.Remis en état au Xe siècle, il est pourvu d’une dérivation versTunis au XIIIe siècle pour apporter de l’eau dans certains quartiers de la ville de Tunis. L’une d’elles, dite du Bardo, traverse encore Tunis aujourd’hui sur des arches d’une grande hauteur. Après les Hafsides, son entretien est négligé. En 1852, Sadok Bey le fait restaurer sur les conseils du consul de France de l’époque avec le concours des ingénieurs français.
Tracée de l’aqueduc : 1 tracé période Antonine (milieu II siècle), 2 tracés période sévérienne (début III siècle)
D’après : H. Baklouti,« L’aqueduc de Carthage dans l’historiographie arabe médiévale »,
Le Petit Nymphaeum
Ce monument a été découvert en 2001 et fut brièvement signalé par Naidé Ferchiou dans son Chant des nymphes (Nirvana, 2008). Trois composantes principales forment ce petit nymphée : un bassin encadré par une margelle, une cella ou « chambre d’eau » comportant trois niches aménagées dans les murs latéraux et celui du fond, et un escalier formé de quatre marches sous lequel passe une conduite qui prend son départ à l’extrémité Est du fond du bassin.
Le plan du monument permet de reconnaître un nymphée basilical, dit aussi nymphée à chambre.
Le Grand Monument elliptique
Il est de forme elliptique, constitué de deux murs arrondis orientés Nord-Sud, d’environ 25 m de long.
Le mur Ouest est conservé, par endroits, une margelle large de 1m servait à la circulation et on y accède par un escalier de trois marches. Une banquette de 43 cm de large fut aménagée tout au long des murs courbes à l’intersection avec la margelle.
Bibliographie :
Ferchiou N., 1999, « Les aqueducs de Zaghouan à Carthage, et leurs structures complémentaires. Note préliminaire », dans Africa, XVII, 1999, p. 69-86.
Ferchiou N, 2008, Le chant des nymphes. Les aqueducs et les temples des eaux de Zaghouan à Carthage, Editions Nirvanna, Tunis.
Ferchiou N., « Le grand nymphée de Zaghouan. Matériaux et techniques de construction », dans Africa, 22, 2009, p. 189-199.
Ferchiou N., 2009, « Les nymphées de Zaghouan et de Jouggar. Recherches préliminaires sur des travaux d’aménagements du grand aqueduc alimentant Carthage à l’époque des Sévères », dans Contrôle et distributions de l’eau dans le Maghreb antique et médiéval, INP-Tunis et EFR, p. 199-233.
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Habib Baklouti ; L’aqueduc de Carthage dans l’historiographie arabe médiévale
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