Sfax

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Histoire de la ville

D’après les sources de  l’époque médiévale, la ville de Sfax fondée par les Arabes, apparaissait sous la forme d’une cité rectangulaire entourée d’un rempart jalonné de tours et d’ouvrages d’angles assez importants.

Sous les Aghlabides :

Les  textes des historiens et géographes arabes attribuent la fondation de l’enceinte et de la Grande Mosquée à la dynastie Aghlabide qui régna en Ifriqiya tout le long du IXe s. J.C.

La ville de cette époque a gardé quelques éléments de la grande mosquée, certaines structures internes du minaret, une partie des remparts, la porte « Bab jebli » ainsi que le bassin des Aghlabites dans la zone des citernes au nord de la cité.

Sous les zirides :

L’année 988, mentionnée dans une inscription gravée sur la façade principale de la grande mosquée, témoigne que l’édifice bénéficia d’une campagne de restauration ordonnée par le deuxième Emir ziride el Mansour, qui gouvernait pour le compte de son suzerain fatimide installé au Caire.

Au milieu du X eme siècle, l’Ifriqya ziride redevint pour un temps autonome en se détachant de la tutelle orientale des Fatimides. Ceux-ci, pour se venger, lâchèrent sur le pays les terribles tribus des Beni Hilal.

Mancour el Berghwati, gouverneur de Sfax, profita des circonstances pour se déclarer indépendant. Hammou ben Melil, son cousin, lui succéda, après l’avoir fait mourir dans son bain. Une inscription sur la façade orientale atteste des travaux importants à la grande mosquée en1085.

Deux produits font la fortune de Sfax en ce temps de prospérité: l’huile d’olive qu’on expédie en Egypte, au Maghreb, en Sicile et en Italie, ainsi que ses draps qui sont foulés et apprêtés selon des procédés empruntés à Alexandrie.

En 1099, la ville retomba sous l’autorité ziride. La première moitié du XI ème siècle est marquée par l’intervention des Normands de Sicile en (1146-48). C’est dans cet état de désordre que la conquête almohade surprit l’Ifriqiya.

Sous les Almohades :

A Sfax, le cheikh Omar ben Ali el Hassan al Ferriyani, qui avait réussi à chasser les Normands, reconnaissant l’obédience almohade, demeura en fonction. En 1203, intermède almoravide en Ifriqiya: Yahya ibn Ghaniya el Mayorqui s’établit à Gabès et enlève aux Almohades plusieurs grands centres urbains dont Sfax.

Trois ans plus tard, la ville était reprise par les armées du calife En-Nacir, qui, avant de regagner Marrakech, décidait de confier le gouvernement de l’Ifriqiya à l’un de ses fidèles lieutenants. Mais le fils et successeur de ce dernier saisit le premier prétexte venu pour s’affranchir de la suzeraineté almohade : la dynastie hafside était née (1229).

Sous les Hafsides :

La fin du XII eme siècle voit le pays s’affaiblir sous les coups conjugués des chrétiens et des nomades. Sfax est privée de ses pâturages à la suite de la prise des îles Kerkennah par la flotte sicilienne et aragonaise de Roger de Loria (1287).

Abou Yahya Abou Bekr rétablit enfin l’unité hafside et reprend Kerkennah aux chrétiens en1335. La paix rendue au pays ne fut troublée que par de rares épisodes dont le plus durable débuta avec la prise de Sfax par les frères dissidents, Ahmed et’ Abdelmalèk ben Makki.

Vers 1370, à l’avènement du calife Abul-Abbas, artisan de la restauration du pouvoir central, Sfax retourna sous l’autorité  hafside.

Après plus de trois siècles qui avaient vu se maintenir la prépondérance des Hafsides, le choc entre les Turcs et les Espagnols allaient précipiter la chute de leur dynastie. En 1534, le corsaire Barberousse entre dans Tunis, proclame la déclin des Hafsides et rallie sans effort les villes de la côte et parmi elles, Sfax.

Moins d’un plus tard, Charles-Quint s’empare à son tour de la capitale ifriqiyyenne et restaure Moulay Hassan sur son trône. Il faudra l’intervention de Doria pour rendre Sfax aux Hafsides. Mais en 1549, la ville se donne au corsaire Dragut qui en fait une de ses bases.

A cette époque, Léon l’Africain affirme que Sfax est réduite à trois ou quatre cents feux et ne compte plus qu’un faible nombre de boutiques.

Les Espagnols quittent définitivement la Tunisie en 1573. A partir de ce moment, Sfax connaît une période difficile, comme l’attestent deux inscriptions, datées respectivement de 1619 et de 1646, qui témoignent des reconstructions successives de Bab Diwan, porte fortifiée. Il faut attendre le XVIII eme siècle pour retrouver en Tunisie une stabilité politique et un pouvoir pratiquement héréditaire.

Sous les Husseinides :

Le fondateur de la nouvelle dynastie, Hussein, donna au pays une incontestable prospérité économique. A Sfax, on agrandit la mosquée qui retrouve son étendue originelle; le nouveau mihrâb est daté de 1758, les travaux étaient terminés en 1783.

Les remparts sont restaurés et l’on construit deux grands réservoirs pour suppléer aux citernes de la Nasriah. En 1776, on édifie le faubourg sud de la ville, le quartier franc, réservé aux juifs et aux chrétiens, haut lieu du commerce maritime, mais qui devait aussi servir de tampon contre les attaques par mer toujours à craindre. L’éventualité ne tarda pas à se produire, les Vénitiens bombardant Sfax à quatre reprises en l’espace de deux ans (1785-86). On construisit pendant le siège un grand fort qui flanquait Borj Ennar; il fut démoli après la dernière guerre.

Vers 1830, on entoure le quartier franc d’une muraille et en 1860 la ville est dotée d’un bureau des postes et des télégraphes. En 1876, l’employé des télégraphes fait un plan de l’agglomération et nous parle d’une tour de signalisation construite un siècle plus tôt et dont on a perdu la trace.

Au cours des deux derniers siècles, la ville s’est entourée d’une banlieue de jardins, dans lesquels on trouve des constructions (borj) extrêmement typiques, à un étage.

Ce sont de véritables tours carrées dont la haute silhouette domine les jardins. Elles servaient de seconde résidence aux citadins pendant les mois d’été, quand la chaleur rend la vie difficile en médina: c’est une habitude encore très courante aujourd’hui.

Le protectorat français :

Le traité du Bardo en1881 qui faisait déjà de la Tunisie un protectorat français provoqua dans le centre et le sud un début d’insurrection populaire. A Sfax, le 18 juin 1882, les insurgés se ruèrent en armes dans le quartier franc et s’en prirent à la population. En représailles, le 15 juillet, une escadre française bombardait la ville. Les soldats débarquèrent, firent sauter Bab Diwan et investirent la Kasbah. Le retour au calme se rétablit progressivement.

Cette nouvelle ville fut bombardée lors de la seconde Guerre Mondiale et  reconstruite après 1949 presque entièrement.

Plan et monuments de la ville:

Plan de la ville « médina de Sfax » :

Tous les documents dessinent un trapèze dont le côté irrégulier se situe vers l’Ouest. Le Ribat est accolé à l’enceinte de la médina, il prend naissance à son extrémité orientale par un ouvrage avancé joint à Burj al-Nar, il s’agit de Burj al-Rabat, et se termine du côté occidental par le grand bastion de Burj al-Reçace.

La longueur de la face Est est de l’ordre de 150m à 170m, et la face Sud fait environ 200 m. Elle fut renforcée elle aussi par deux bastions, celui de l’Est en saillie par rapport à la courtine prend le nom de Burj al Sallàmi, alors que celui de l’Ouest occupe l’angle du faubourg et est nommé Burj al-Tabbàna qui serait lui-même en 1881 la batterie de la quarantaine, du fait qu’il fut doté de cinq pièces d’artillerie, alors que Burj al_Sallami n’en compte que quatre.

Ces quatre ouvrages d’angles étaient reliés par une courtine constituée par un simple mur qui ne comporte aucune saillant. La hauteur du mur de la courtine n’est pas connue.

L’entrée du faubourg se faisait à l’Est et à l’Ouest par des portes au pied de Burj al-Reçace et Burj al-Rabat. C’est Bàb al-Gharbi et Bàb al-Sharqi. La porte Sud, Bàb al-Qibli, sur le plan de Sfax en 1881, est percée au prolongement de l’axe qui aboutit à Bàb al-Diwàn.

L’intérieur de ce grand enclos fut organisé selon un plan orthogonal rationnel. D’autres axes – une dizaine au plus – les coupent perpendiculairement. Le plus important est la rue de la Marine qui même vers Bàb al-Qibli sur le même prolongement que Bàb al-Diwàn. Cette rue prend chez Magdish le nom de Nahj Bab al-Bahr.

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Parallèlement à la rue de la Marine se rencontre la rue Amar Kammun. Ce schéma d’organisation du faubourg fait apparaître un plan en damier parfaitement régulier.

Vers l’Ouest, une église prend place, perpendiculairement à la rue du Télégraphe.  Le faubourg avait ses propres boutiques signalées par les voyageurs européens et comportait aussi un certain nombre de maisons.

 

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C’est ainsi que les consuls des pays étrangers y résidaient, se chargeant de fournir des rapports sur le commerce de leur pays avec le port de Sfax. Par ailleurs, le souci défensif n’a pas été négligé. Outre la concentration et l’isolement de la population non musulmane le faubourg servait de zone d’affrontement avec les puissances maritimes européennes. Ce rôle va se révéler très efficace, surtout lors de l’opposition à l’occupation française de 1881. Sur le plan de l’urbanisme, la nouvelle cité a adopté le parti des plans orthogonaux, en vogue à l’époque moderne.

Les remparts:

Les remparts ont été construits en 859 ap J-C sous le règne d’Ahmed Ibn el-Aghlab par le Cadi Ali Ibn Aslam el-Bekri. Ils délimitent la ville en un quadrilatère légèrement déformé de 600m d’est, et de 400 à 450m du Sud au Nord. Cette muraille est flanquée de 69 tours semi-rondes, barlongues ou à pans coupés, octogonales ou hexagonales. La face Sud est la plus fortifiée avec ses 22 tours. Les tours d’angle sont : la casbah au Sud-Ouest, le Borj el-Nar au Sud-Est , le Borj Mas’ouda au Nord Est et le Borj el- Kasr au Nord-Ouest.

 

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La grande mosquée de sfax:

La Grande Mosquée de Sfax est située dans un quartier commercial prospère. Elle occupe le centre de la médina, juste à l’intersection de l’artère qui relie Bab-el-Gibli à Bab-el-Diwan et l’artère médiane est-ouest.

L’architecture initiale du monument remontant  à l’époque aghlabide, est devenue hypothétique suite aux rétrécissements de l’époque ziride et aux agrandissements à l’époque ottomane.

Sa façade orientale, richement décorée, est caractérisée par la présence de plusieurs portes et fenêtres coiffées d’arcs en fer à cheval à triple voussure. Des niches creuses occupent les parties hautes. Tous ces éléments sont soulignés et unifiés par une corniche dentelée.

On accède au monument actuellement par une porte latérale située sur la façade nord. Elle donne accès à une petite cour entourée de quatre portiques aux arcs en plein cintre outrepassés retombant sur des piliers. Le portique donnant accès à la salle de prière est précédé d’un porche en saillie coiffé d’une coupole sur trompes, directement posée sur la base carrée. Sur le côté droit du porche, dans la partie inférieure, une niche sculptée et inscrite sert de mihrâb.

 

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A l’époque ziride, la salle de prière était constituée de cinq nefs perpendiculaires au mur de qibla et de six travées. Son mihrâb, muré et abandonné lors des travaux postérieurs à cause de sa position devenue excentrique, fut récemment exhumé : sa niche est creusée de longues niches étroites couronnées d’une coquille.

Le plan actuel de la salle de prière remonte à l’époque ottomane. Il présente une salle de prière en équerre, correspondant à l’ajout de cinq nefs. La nef axiale est surhaussée de deux coupoles, l’une surmontant le mihrâb et l’autre se trouvant dans l’axe du portique d’entrée. Les colonnes en marbre à chapiteaux antiques de remploi et les piliers en pierre soulagent des arcs brisés outrepassés.

La niche du mihrâb est creusée des mêmes longues niches étroites et ornementée d’une écriture kufique déclinant des vers d’un grand poète sfaxien.

 

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Le minaret à base carrée, situé à l’angle nord-ouest, est formé de deux tours superposées et d’un lanternon. Les parapets des tours sont garnis d’un décor varié combinant l’épigraphie, le géométrique et le végétal: palmettes, dentelures, listels, oves et rosaces creuses. Il semble qu’un minaret originel ait été construit lors de la fondation de la mosquée et qu’il ait été recouvert par l’actuel.

 

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Mosquée de Sidi Ammar Kamoun

 

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Ce minaret faisait partie d’un mausolée construit en deux étapes, entre 1045-1636 et 1076/1666 par Sidi Amar Kammoun. La construction de ce  minaret dans le mausolée s’explique par le rôle défensif qu’il pouvait jouer. Il est de section carrée. Sa hauteur est de 9,30m. Il se termine par une plate-forme couronnée de merlons. Le décor du minaret respecte la symétrie et la superposition des zones nues et ornées. Il est à base de moulures, de dentelures et d’éléments architectoniques: arcatures, niches aveugles, fenêtres géminées et calligraphie.

L’oratoire de Sidi Bouchouicha

Cet oratoire est situé face à Bab al-Jebli. En plus de sa fonction cultuelle, l’oratoire eut une fonction militaire de guet et d’observation.

 

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Fondouk des Forgerons

Ce monument est situé à l’intérieur de la médina, à proximité de Bab El-Jibli et de la station caravanière, le fondouk tire son nom du souk où il se trouve.

Il date de l’époque Hafside mais il fût réaménagé et restauré au XVIII, il reste le seul témoin du quartier des fondouks. Il fût restauré en 2008 par la municipalité de Sfax en collaboration avec le ministère du tourisme, l’Institut National du Patrimoine et l’association de la sauvegarde de la médina.

Le plan du fondouk présente un vestibule en couloir conduit à une vaste cour entourée de portiques sous lesquels ouvrent des magasins. Les escaliers conduisent au premier étage formé de 25 chambres. Il est construit selon les procédés de la maçonnerie traditionnelle basés sur des techniques séculaires, utilisant les matériaux locaux. Les pierres de taille, les arcs, les couvertures en ogives et les solives apparentes sont des éléments de la structure.

Le rez- de -chaussée était réservé aux animaux des voyageurs et à leurs marchandises tandis que le premier étage jouait le rôle d’hôtellerie.

 

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Les souks

Les souks ne commencent à être signalés avec leurs noms ou leurs activités qu’à partir du XVIII eme siècle. En plus des fondouks, des oukalas, L’espace économique de la ville comprenait environ 30 souks dont le plus important est celui de Souk El Raba’a .Il est  formé par une artère principale nord-sud, traversée par une rue médiane est –ouest. Il s’est spécialisé dans la vente des chéchias et des tissages de laine. Il s’oriente de plus en plus vers la vente des vêtements traditionnels.

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De nos jours, Les souks gardent leurs noms, mais se convertissent ; ceux qui s’attachent à leurs activités traditionnelles sont percés par les activités parasitaires.

 

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Bibliographie:

Georges Marçais et Lucien Golvin, La grande mosquée de Sfax, I vol, 1961.

Golvin L., Essai sur l’Architecture religieuse musulmane,  Paris 1974

Faouzi Mahfoudh,« Aspects de la fortification de la côte ifriqiyenne : les défenses de Sfax », BAC, 22, 1987-1988, Paris, 1992, p. 235-250

Faouzi Mahfoudh, « Le quartier franc de Sfax du XVIII au XIX es », Revue d’Histoire Maghrébine, 1991, n° 63-64, p. 325-332.

Jamila Binous , Naceur Baklouti , Aziza Ben Tanfous , Kadri Bouteraa , Mourad Rammah , Ali Zouari , Riadh Fakhfakh, Ifriquia: Treize Siècles d’Art et d’Architecture en Tunisie,2010.

Mohamed Fakhfakh, Sfax et sa région, éd. Université de Tunis, Tunis, 1986

 

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Ali DABBAGHI
Ali DABBAGHI

Ingénieur Général spécialiste des systèmes d'information et de communication, مهندس عام في نظم المعلومات والاتصالات General Engineer information and communication systems

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