CHARTE DE VENISE 1964

CHARTE DE VENISE 1964

CHARTE INTERNATIONALE SUR LA CONSERVATION ET LA RESTAURATION DES MONUMENTS ET DES SITES
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1) ICOMOS
1.3) SOMMAIRE

ICOMOS

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CHARTES DE L’ICOMOS

SOMMAIRE

CHARTE INTERNATIONALE SUR LA CONSERVATION ET LA RESTAURATION DES MONUMENTS ET DES SITES (CHARTE DE VENISE 1964)

IIe Congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques, Venise, 1964 Adoptée par ICOMOS en 1965.

Chargées d’un message spirituel du passé, les œuvres monumentales des peuples demeurent dans la vie présente le témoignage vivant de leurs traditions séculaires. L’humanité, qui prend chaque jour conscience de l’unité des valeurs humaines, les considère comme un patrimoine commun, et, vis-à-vis des générations futures, se reconnaît solidairement responsable de leur sauvegarde. Elle se doit de les leur transmettre dans toute la richesse de leur authenticité.

Il est dès lors essentiel que les principes qui doivent présider à la conservation et à la restauration des monuments soient dégagés en commun et formulés sur un plan international, tout en laissant à chaque nation le soin d’en assurer l’application dans le cadre de sa propre culture et de ses traditions.

En donnant une première forme à ces principes fondamentaux, la Charte d’Athènes de 1931 a contribué au développement d’un vaste mouvement international, qui s’est notamment traduit dans des documents nationaux, dans l’activité de l’ICOM et de l’UNESCO, et dans la création par cette dernière du Centre international d’études pour la conservation et la restauration des biens culturels. La sensibilité et l’esprit critique se sont portés sur des problèmes toujours plus complexes et plus nuancés ; aussi l’heure semble venue de réexaminer les principes de la Charte afin de les approfondir et d’en élargir la portée dans un nouveau document.

En conséquence, le IIe Congrès International des Architectes et des Techniciens des Monuments Historiques, réuni, à Venise du 25 au 31 mai 1964, a approuvé le texte suivant :

DÉFINITIONS

Article 1.

La notion de monument historique comprend la création architecturale isolée aussi bien que le site urbain ou rural qui porte témoignage d’une civilisation particulière, d’une évolution significative ou d’un événement historique. Elle s’étend non seulement aux grandes créations mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle.

Article 2.

La conservation et la restauration des monuments constituent une discipline qui fait appel à toutes les sciences et à toutes les techniques qui peuvent contribuer à l’étude et à la sauvegarde du patrimoine monumental.

Article 3.

La conservation et la restauration des monuments visent à sauvegarder tout autant l’œuvre d’art que le témoin d’histoire.

CONSERVATION

Article 4.

La conservation des monuments impose d’abord la permanence de leur entretien.

Article 5.

La conservation des monuments est toujours favorisée par l’affectation de ceux-ci à une fonction utile à la société ; une telle affectation est donc souhaitable mais elle ne peut altérer l’ordonnance ou le décor des édifices. C’est dans ces limites qu’il faut concevoir et que l’on peut autoriser les aménagements exigés par l’évolution des usages et des coutumes.

Article 6.

La conservation d’un monument implique celle d’un cadre à son échelle. Lorsque le cadre traditionnel subsiste, celui-ci sera conservé, et toute construction nouvelle, toute destruction et tout aménagement qui pourrait altérer les rapports de volumes et de couleurs seront proscrits.

Article 7.

Le monument est inséparable de l’histoire dont il est le témoin et du milieu où il se situe. En conséquence le déplacement de tout ou partie d’un monument ne peut être toléré que lorsque la sauvegarde du monument l’exige ou que des raisons d’un grand intérêt national ou international le justifient.

Article 8.

Les éléments de sculpture, de peinture ou de décoration qui font partie intégrante du monument ne peuvent en être séparés que lorsque cette mesure est la seule susceptible d’assurer leur conservation.

RESTAURATION

Article 9.

La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. La restauration sera toujours précédée et accompagnée d’une étude archéologique et historique du monument.

Article 10.

Lorsque les techniques traditionnelles se révèlent inadéquates, la consolidation d’un monument peut être assurée en faisant appel à toutes les techniques modernes de conservation et de construction dont l’efficacité aura été démontrée par des données scientifiques et garantie par l’expérience.

Article 11.

Les apports valables de toutes les époques à l’édification d’un monument doivent être respectés, l’unité de style n’étant pas un but à atteindre au cours d’une restauration. Lorsqu’un édifice comporte plusieurs états superposés, le dégagement d’un état sous-jacent ne se justifie qu’exceptionnellement et à condition que les éléments enlevés ne présentent que peu d’intérêt, que la composition mise au jour constitue un témoignage de haute valeur historique, archéologique ou esthétique, et que son état de conservation soit jugé suffisant. Le jugement sur la valeur des éléments en question et la décision sur les éliminations à opérer ne peuvent dépendre du seul auteur du projet.

Article 12.

Les éléments destinés à remplacer les parties manquantes doivent s’intégrer harmonieusement à l’ensemble, tout en se distinguant des parties originales, afin que la restauration ne falsifie pas le document d’art et d’histoire.

Article 13.

Les adjonctions ne peuvent être tolérées que pour autant qu’elles respectent toutes les parties intéressantes de l’édifice, son cadre traditionnel, l’équilibre de sa composition et ses relations avec le milieu environnant.

SITES MONUMENTAUX

Article 14.

Les sites monumentaux doivent faire l’objet de soins spéciaux afin de sauvegarder leur intégrité et d’assurer leur assainissement, leur aménagement et leur mise en valeur. Les travaux de conservation et de restauration qui y sont exécutés doivent s’inspirer des principes énoncés aux articles précédents.

FOUILLES

Article 15.

Les travaux de fouilles doivent s’exécuter conformément à des normes scientifiques et à la « Recommandation définissant les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques » adoptée par l’UNESCO en 1956.

L’aménagement des ruines et les mesures nécessaires à la conservation et à la protection permanente des éléments architecturaux et des objets découverts seront assurés. En outre, toutes initiatives seront prises en vue de faciliter la compréhension du monument mis au jour sans jamais en dénaturer la signification.

Tout travail de reconstruction devra cependant être exclu à priori, seule l’anastylose peut être envisagée, c’est-à-dire la recomposition des parties existantes mais démembrées. Les éléments d’intégration seront toujours reconnaissables et représenteront le minimum nécessaire pour assurer les conditions de conservation du monument et rétablir la continuité de ses formes.

DOCUMENTATION ET PUBLICATION

Article 16.

Les travaux de conservation, de restauration et de fouilles seront toujours accompagnés de la constitution d’une documentation précise sous forme de rapports analytiques et critiques illustrés de dessins et de photographies. Toutes les phases de travaux de dégagement, de consolidation, de recomposition et d’intégration, ainsi que les éléments techniques et formels identifiés au cours des travaux y seront consignés. Cette documentation sera déposée dans les archives d’un organisme public et mise à la disposition des chercheurs ; sa publication est recommandée.

Ont participé à la commission pour la rédaction de la charte internationale pour la conservation et la restauration des monuments :

M. Raymond Lemaire (Belgique), M. Harald Langberg (Danemark) M. Harold Plenderleith (ICCROM) rapporteur M. Mario Matteucci (Italie) M. Deoclecio Redig de Campos

M. Piero Gazzola (Italie), président M. Jean Merlet (France) (Vatican)

M. José Bassegoda-Nonell (Espagne) M. Carlos Flores Marini (Mexique) M. Jean Sonnier (France)

M. Luis Benavente (Portugal) M. Roberto Pane (Italie) M. François Sorlin (France)

M. Djurdje Boskovic (Yougoslavie) M. S.C.J. Pavel (Tchécoslovaquie) M. Eustathios Stikas (Grèce)

M. Hiroshi Daifuku (UNESCO) M. Paul Philippot (ICCROM) Mme Gertrud Tripp (Autriche)

M. P.L. de Vrieze (Pays-Bas) M. Victor Pimentel (Pérou) M. Jan Zachwatovicz (Pologne)

M. Mustafa S. Zbiss (Tunisie)

 

JARDINS HISTORIQUES (CHARTE DE FLORENCE 1981)

Adoptée par ICOMOS en décembre 1982.

PREAMBULE

Réuni à Florence le 21 mai 1981, Le Comité international des Jardins historiques ICOMOSIFLA a décidé d’élaborer une charte relative à la sauvegarde des jardins historiques qui portera le nom de cette ville. Cette charte a été rédigée par le Comité et enregistrée le 15 décembre 1982 par l’ICOMOS en vue de compléter la Charte de Venise dans ce domaine particulier.

DEFINITIONS ET OBJECTIFS

Article 1.

“Un jardin historique est une composition architecturale et végétale qui, du point de vue de l’histoire ou de l’art, présente un intérêt public”. Comme tel, il est considéré comme un monument.

Article 2.

“Le jardin est une composition d’architecture dont le matériau est principalement végétal donc vivant, et comme tel périssable et renouvelable.”

Son aspect résulte ainsi d’un perpétuel équilibre entre le mouvement cyclique des saisons, du développement et du dépérissement de la nature, et la volonté d’art et d’artifice qui tend à en pérenniser l’état.

Article 3.

En tant que monument le jardin historique doit être sauvegardé selon l’esprit de la Charte de Venise. Toutefois, en tant que monument vivant, sa sauvegarde relève de règles spécifiques qui font l’objet de la présente Charte.

Article 4.

Relèvent de la composition architecturale du jardin historique:

  • son plan et les différents profils de son terrain,
  • ses masses végétales: leurs essences, leurs volumes, leur jeu de couleurs, leurs espacements, leurs hauteurs respectives,
  • ses éléments construits ou décoratifs,
  • les eaux mouvantes ou dormantes, reflet du ciel.

Article 5.

Expression des rapports étroits entre la civilisation et la nature, lieu de délectation, propre à la méditation ou à la rêverie, le jardin prend ainsi le sens cosmique d’une image idéalisée du monde, un “paradis” au sens étymologique du terme, mais qui porte témoignage d’une culture, d’un style, d’une époque, éventuellement de l’originalité d’un créateur.

Article 6.

La dénomination de jardin historique s’applique aussi bien à des jardins modestes qu’aux parcs ordonnancés ou paysagers.

Article 7.

Qu’il soit lié ou non à un édifice, dont il est alors le complément inséparable, le jardin historique ne peut être séparé de son propre environnement urbain ou rural, artificiel ou naturel.

Article 8.

Un site historique est un paysage défini, évocateur d’un fait mémorable: lieu d’un événement historique majeur, origine d’un mythe illustre ou d’un combat épique, sujet d’un tableau célèbre, etc.

Article 9.

La sauvegarde des jardins historiques exige qu’ils soient identifiés et inventoriés. Elle impose les interventions différenciées que sont l’entretien, la conservation, la restauration. On peut en recommander éventuellement la restitution. L’authenticité d’un jardin historique concerne tout aussi bien le dessin et le volume de ses parties que son décor ou le choix des végétaux ou des minéraux qui le constituent.

ENTRETIEN, CONSERVATION, RESTAURATION, RESTITUTION

Article 10.

Toute opération d’entretien, de conservation, de restauration ou de restitution d’un jardin historique ou d’une de ses parties doit prendre en compte simultanément tous ses éléments. En séparer les traitements altérerait le lien qui les réunit.

ENTRETIEN ET CONSERVATION

Article 11.

L’entretien des jardins historiques est une opération primordiale et nécessairement continue. Le matériau principal étant le végétal, c’est par des remplacements ponctuels et, à long terme, par des renouvellements cycliques (coupe à blanc et replantation de sujets déjà formés) que l’oeuvre sera maintenue en état.

Article 12.

Le choix des espèces d’arbres, d’arbustes, de plantes, de fleurs à remplacer périodiquement doit s’effectuer en tenant compte des usages établis et reconnus pour les différentes zones botaniques et culturelles, dans une volonté de maintien et de recherche des espèces d’origine.

Article 13.

Les éléments d’architecture, de sculpture, de décoration fixes ou mobiles qui font partie intégrante du jardin historique ne doivent être enlevés ou déplacés que dans la mesure où leur conservation ou leur restauration l’exige. Le remplacement ou la restauration d’éléments en danger doit se faire selon les principes de la Charte de Venise, et la date de toute substitution sera indiquée.

Article 14.

Le jardin historique doit être conservé dans un environnement approprié. Toute modification du milieu physique mettant en danger l’équilibre écologique doit être proscrite. Ces mesures concernent l’ensemble des infrastructures qu’elles soient internes ou externes (canalisations, systèmes d’irrigation, routes, parkings, clôtures, dispositifs de gardiennage, d’exploitation, etc.).

RESTAURATION ET RESTITUTION

Article 15.

Toute restauration et à plus forte raison toute restitution d’un jardin historique ne sera entreprise qu’après une étude approfondie allant de la fouille à la collecte de tous les documents concernant le jardin concerné. En principe, elle ne saurait privilégier une époque aux dépens d’une autre sauf si la dégradation ou le dépérissement de certaines parties peuvent exceptionnellement être l’occasion d’une restitution fondée sur des vestiges ou une documentation irrécusable. Pourront être plus particulièrement l’objet d’une restitution éventuelle les parties du jardin les plus proches d’un édifice afin de faire ressortir leur cohérence.

Article 16.

L’intervention de restauration doit respecter l’évolution du jardin concerné. En principe, elle ne saurait privilégier une époque aux dépens d’une autre sauf si la dégradation ou le dépérissement de certaines parties peuvent exceptionnellement être l’occasion d’une restitution fondée sur des vestiges ou une documentation irrécusable. Pourront être plus particulièrement l’objet d’une restitution éventuelle les parties du jardin les plus proches d’un édifice afin de faire ressortir leur cohérence.

Article 17.

Lorsqu’un jardin a totalement disparu ou qu’on ne possède que des éléments conjecturaux de ses états successifs, on ne saurait alors entreprendre une restitution relevant de la notion de jardin historique.

L’ouvrage qui s’inspirerait dans ce cas de formes traditionnelles sur l’emplacement d’un ancien jardin, ou là où aucun jardin n’aurait préalablement existé, relèverait alors des notions d’évocation ou de création, excluant toute qualification de jardin historique.

UTILISATION

Article 18.

Si tout jardin historique est destiné à être vu et parcouru, il reste que son accès doit être modéré en fonction de son étendue et de sa fragilité de manière à préserver sa substance et son message culturel.

Article 19.

Par nature et par vocation, le jardin historique est un lieu paisible favorisant le contact, le silence et l’écoute de la nature. Cette approche quotidienne doit contraster avec l’usage exceptionnel du jardin historique comme lieu de fête.

Il convient de définir alors les conditions de visite des jardins historiques de telle sorte que la fête, accueillie exceptionnellement, puisse elle-même magnifier le spectacle du jardin et non le dénaturer ou le dégrader.

Article 20.

Si, dans la vie quotidienne, les jardins peuvent s’accommoder de la pratique de jeux paisibles, il convient par contre de créer, parallèlement aux jardins historiques, des terrains appropriés aux jeux vifs et violents et aux sports, de telle sorte qu’il soit répondu à cette demande sociale sans qu’elle nuise à la conservation des jardins et des sites historiques.

Article 21.

La pratique de l’entretien ou de la conservation, dont le temps est imposé par la saison, ou les courtes opérations qui concourent à en restituer l’authenticité doivent toujours avoir la priorité sur les servitudes de l’utilisation. L’organisation de toute visite d’un jardin historique doit être soumise à des règles de convenance propres à en maintenir l’esprit.

Article 22.

Lorsqu’un jardin est clos de murs, on ne saurait l’en priver sans considérer toutes les conséquences préjudiciables à la modification de son ambiance et à sa sauvegarde qui pourraient en résulter.

PROTECTION LÉGALE ET ADMINISTRATIVE

Article 23.

Il appartient aux autorités responsables de prendre, sur avis des experts compétents, les dispositions légales et administratives propres à identifier, inventorier et protéger les jardins historiques. Leur sauvegarde doit être intégrée aux plans d’occupation des sols, et dans les documents de planification et d’aménagement du territoire. Il appartient également aux autorités responsables de prendre, sur avis des experts compétents, les dispositions financières propres à favoriser l’entretien, la conservation, la restauration, éventuellement la restitution des jardins historiques.

Article 24.

Le jardin historique est un des éléments du patrimoine dont la survie, en raison de sa nature, exige le plus de soins continus par des personnes qualifiées. Il convient donc qu’une pédagogie appropriée assure la formation de ces personnes, qu’il s’agisse des historiens, des architectes, des paysagistes, des jardiniers, des botanistes.

On devra aussi veiller à assurer la production régulière des végétaux devant entrer dans la composition des jardins historiques.

Article 25.

L’intérêt pour les jardins historiques devra être stimulé par toutes les actions propres à valoriser ce patrimoine et à le faire mieux connaître et apprécier: promotion de la recherche scientifique, échange international et diffusion de l’information, publication et vulgarisation, incitation à l’ouverture contrôlée des jardins au public, sensibilisation au respect de la nature et du patrimoine historique par les mass- média. Les plus éminents des jardins historiques seront proposés pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial.

Nota Bene

Telles sont les recommandations appropriées à l’ensemble des jardins historiques du monde.

Cette Charte sera ultérieurement susceptible de compléments spécifiques aux divers types de jardins liés à la description succincte de leur typologie.

 

CHARTE INTERNATIONALE POUR LA SAUVEGARDE DES

VILLES HISTORIQUES
(CHARTE DE WASHINGTON 1987)

Adoptée par L’Assemblée Générale d’ICOMOS à Washington D.C., octobre 1987

PREAMBULE ET DEFINITIONS

Résultant d’un développement plus ou moins spontané ou d’un projet délibéré, toutes les villes du monde sont les expressions matérielles de la diversité des sociétés à travers l’histoire et sont de ce fait toutes historiques. La présente charte concerne plus précisément les villes grandes ou petites et les centres ou quartiers historiques, avec leur environnement naturel ou bâti, qui, outre leur qualité de document historique, expriment les valeurs propres aux civilisations urbaines traditionnelles. Or, celles-ci sont menacées de dégradation, de déstructuration voire de destruction, sous l’effet d’un mode d’urbanisation né à l’ère industrielle et qui atteint aujourd’hui universellement toutes les sociétés. Face à cette situation souvent dramatique qui provoque des pertes irréversibles de caractère culturel et social et même économique, le Conseil International des Monuments et des Sites (ICOMOS) a estimé nécessaire de rédiger une “Charte internationale pour la sauvegarde des villes historiques”. Complétant la “Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites” (Venise, 1964), ce nouveau texte définit les principes et les objectifs, les méthodes et les instruments de l’action propre à sauvegarder la qualité des villes historiques, à favoriser l’harmonie de la vie individuelle et sociale et à perpétuer l’ensemble des biens, même modestes, qui constituent la mémoire de l’humanité. Comme dans le texte de la Recommandation de l’UNESCO “concernant la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine” (Varsovie-Nairobi, 1976), ainsi que dans différents autres instruments internationaux, on entend ici par “sauvegarde des villes historiques” les mesures nécessaires à leur protection, à leur conservation et à leur restauration ainsi qu’à leur développement cohérent et à leur adaptation harmonieuse à la vie contemporaine.

PRINCIPES ET OBJECTIFS

  1. La sauvegarde des villes et quartiers historiques doit, pour être efficace, faire partie intégrante d’une politique cohérente de développement économique et social et être prise en compte dans les plans d’aménagement et d’urbanisme à tous les niveaux.
    1. Les valeurs à préserver sont le caractère historique de la ville et l’ensemble des éléments matériels et spirituels qui en exprime l’image, en particulier: a) la forme urbaine définie par la trame et le parcellaire, b) les relations entre les divers espaces urbains: espaces bâtis, espaces libres, espaces plantés, c) la forme et l’aspect des édifices (intérieur et extérieur), tels qu’ils sont définis par leur structure, volume, style, échelle, matériaux, couleur et décoration, d) les relations de la ville avec son environnement naturel ou créé par l’homme,
    2. e) les vocations diverses de la ville acquises au cours de son histoire. Toute atteinte à ces valeurs compromettrait l’authenticité de la ville historique.
  2. La participation et l’implication des habitants de toute la ville sont indispensables au succès de la sauvegarde. Elles doivent donc être recherchées en toutes circonstances et favorisées par la nécessaire prise de conscience de toutes les générations. Il ne faut jamais oublier que la sauvegarde des villes et quartiers historiques concerne en premier leurs habitants.
  3. Les interventions sur un quartier ou une ville historique doivent être menées avec prudence, méthode et rigueur, en évitant tout dogmatisme, mais en tenant compte des problèmes spécifiques à chaque cas particulier.

METHODES ET INSTRUMENTS

  1. La planification de la sauvegarde des villes et quartiers historiques doit être précédée d’études pluridisciplinaires. Le plan de sauvegarde doit comprendre une analyse des données, notamment archéologiques, historiques, architecturales, techniques, sociologiques et économiques et doit définir les principales orientations et les modalités des actions à entreprendre au plan juridique, administratif et financier. Le plan de sauvegarde devra s’attacher à définir une articulation harmonieuse des quartiers historiques dans l’ensemble de la ville. Le plan de sauvegarde doit déterminer les bâtiments ou groupes de bâtiments à protéger particulièrement, à conserver dans certaines conditions et, dans des circonstances exceptionnelles à détruire. L’état des lieux avant toute intervention sera rigoureusement documenté. Le plan devrait bénéficier de l’adhésion des habitants.
  2. Dans l’attente de l’adoption d’un plan de sauvegarde les actions nécessaires à la conservation doivent être prises, comme bien entendu pour la suite, dans le respect des principes et méthodes de la présente Charte et de la Charte de Venise.
  3. La conservation des villes et des quartiers historiques implique un entretien permanent du bâti.
  4. Les fonctions nouvelles et les réseaux d’infrastructure exigés par la vie contemporaine doivent être adaptés aux spécificités des villes historiques.
  5. L’amélioration de l’habitat doit constituer un des objectifs fondamentaux de la sauvegarde.
  6. Au cas où il serait nécessaire d’effectuer des transformations d’immeubles ou d’en construire des nouveaux, toute adjonction devra respecter l’organisation spatiale existante, notamment son parcellaire et son échelle, ainsi que l’imposent la qualité et la valeur d’ensemble des constructions existantes. L’introduction d’éléments de caractère contemporain, sous réserve de ne pas nuire à l’harmonie de l’ensemble, peut contribuer à son enrichissement.
  7. Il importe de concourir à une meilleure connaissance du passé des villes historiques en favorisant les recherches de l’archéologie urbaine et la présentation appropriée de ses découvertes sans nuire à l’organisation générale du tissu urbain.
  8. La circulation des véhicules doit être strictement réglementée à l’intérieur des villes ou des quartiers historiques; les aires de stationnement devront être aménagées de manière à ne pas dégrader leur aspect ni celui de leur environnement.
  9. Les grands réseaux routiers, prévus dans le cadre de l’aménagement du territoire, ne doivent pas pénétrer dans les villes historiques mais seulement faciliter le trafic à l’approche de ces villes et en permettre un accès facile.
  10. Des mesures préventives contre les catastrophes naturelles et contre toutes les nuisances (notamment les pollutions et les vibrations) doivent être prises en faveur des villes historiques, tout aussi bien pour assurer la sauvegarde de leur patrimoine que la sécurité et le bien être de leurs habitants. Les moyens mis en oeuvre pour prévenir ou réparer les effets de toutes calamités doivent être adaptés au caractère spécifique des biens à sauvegarder.
  11. En vue d’assurer la participation et l’implication des habitants, une information générale commençant dès l’âge scolaire doit être mise en oeuvre. L’action des associations de sauvegarde doit être favorisée et des mesures financières de nature à faciliter la

conservation et la restauration du bâti doivent être prises.

16. La sauvegarde exige que soit organisée une formation spécialisée à l’intention de toutes les professions concernées.

 

CHARTE INTERNATIONALE POUR LA GESTION DU
PATRIMOINE ARCHEOLOGIQUE (1990)

Préparée par le Comité International pour la Gestion du Patrimoine Archéologique (ICAHM) et adoptée par la 9ème Assemblée Générale de l’ICOMOS à Lausanne en 1990.

INTRODUCTION

Il est unanimement reconnu que la connaissance des origines et du développement des sociétés humaines est d’une importance fondamentale pour l’humanité toute entière en lui permettant de reconnaître ses racines culturelles et sociales.

Le patrimoine archéologique constitue le témoignage essentiel sur les activités humaines du passé. Sa protection et sa gestion attentive sont donc indispensables pour permettre aux archéologues et aux autres savants de l’étudier et de l’interpréter au nom des générations présentes et à venir, et pour leur bénéfice.

La protection de ce patrimoine ne peut se fonder uniquement sur la mise en oeuvre des techniques de l’archéologie. Elle exige une base plus large de connaissances et de compétences professionnelles et scientifiques. Certains éléments du patrimoine archéologique font partie de structures architecturales, en ce cas, ils doivent être protégés dans le respect des critères concernant le patrimoine architectural énoncés en 1964 par la Charte de Venise sur la restauration et la conservation des monuments et des sites; d’autres font partie des traditions vivantes des populations autochtones dont la participation devient alors essentielle pour leur protection et leur conservation.

Pour ces raisons et bien d’autres, la protection du patrimoine archéologique doit être fondée sur une collaboration effective entre des spécialistes de nombreuses disciplines différentes. Elle exige encore la coopération des services publics, des chercheurs, des entreprises privées et du grand public. En conséquence cette charte énonce des principes applicables dans différents secteurs de la gestion du patrimoine archéologique. Elle inclut les devoirs des pouvoirs publics et des législateurs, les règles professionnelles applicables à l’inventaire, à la prospection, à la fouille, à la documentation, à la recherche, à la maintenance, la conservation, la reconstitution, l’information, la présentation, la mise à disposition du public et l’affectation du patrimoine archéologique aussi bien que la définition des qualifications du personnel chargé de sa protection.

Cette charte a été motivée par le succès de la Charte de Venise comme document normatif et comme source d’inspiration dans le domaine des politiques et des pratiques gouvernementales, scientifiques et professionnelles.

Elle doit énoncer des principes fondamentaux et recommandations d’une portée globale. C’est pourquoi elle ne peut prendre en compte les difficultés et les virtualités propres à des régions ou à des pays. Pour répondre à ces besoins, la charte devrait par conséquent être complétée sur un plan régional et national par des principes et des règles supplémentaires.

DÉFINITION ET INTRODUCTION

Article 1.

Le “patrimoine archéologique” est la partie de notre patrimoine matériel pour laquelle les méthodes de l’archéologie fournissent les connaissances de base. Il englobe toutes les traces de l’existence humaine et concerne les lieux où se sont exercées les activités humaines quelles qu’elles soient, les structures et les vestiges abandonnés de toutes sortes, en surface, en sous-sol ou sous les eaux, ainsi que le matériel qui leur est associé.

POLITIQUES DE “CONSERVATION INTÉGRÉE”

Article 2.

Le patrimoine archéologique est une richesse culturelle fragile et non renouvelable. L’agriculture et les plans d’occupation des sols résultant de programmes d’aménagement doivent par conséquent être réglementés afin de réduire au minimum la destruction de ce patrimoine. Les politiques de protection du patrimoine archéologique doivent être systématiquement intégrées à celles qui concernent l’agriculture, l’occupation des sols et la planification, mais aussi la culture, l’environnement et l’éducation. La création de réseaux archéologiques doit faire partie de ces politiques.

Les politiques de protection du patrimoine archéologique doivent être prises en compte par les planificateurs à l’échelon national, régional et local.

La participation active de la population doit être intégrée aux politiques de conservation du patrimoine archéologique. Cette participation est essentielle chaque fois que le patrimoine d’une population autochtone est en cause. La participation doit être fondée sur l’accès aux connaissances, condition nécessaire à toute décision. L’information du public est donc un élément important de la “conservation intégrée”.

LÉGISLATION ET ÉCONOMIE

Article 3.

La protection du patrimoine archéologique est une obligation morale pour chaque être humain. Mais c’est aussi une responsabilité publique collective. Cette responsabilité doit se traduire par l’adoption d’une législation adéquate et par la garantie de fonds suffisants pour financer efficacement les programmes de conservation du patrimoine archéologique.

Le patrimoine archéologique est un patrimoine commun pour toute société humaine; c’est donc un devoir pour tous les pays de faire en sorte que des fonds appropriés soient disponibles pour sa protection.

La législation doit garantir la conservation du patrimoine archéologique en fonction des besoins de l’histoire et des traditions de chaque pays et de chaque région en faisant largement place à la conservation “in situ” et aux impératifs de la recherche.

La législation doit se fonder sur l’idée que le patrimoine archéologique est l’héritage de l’humanité toute entière et de groupes humains, non celui de personnes individuelles ou de nations particulières.

La législation doit interdire toute destruction, dégradation ou altération par modification de tout monument, de tout site archéologique ou de leur environnement en l’absence d’accord des services archéologiques compétents.

La législation doit par principe exiger une recherche préalable et l’établissement d’une documentation archéologique complète dans chacun des cas où une destruction du patrimoine archéologique a pu être autorisée.

La législation doit exiger une maintenance correcte et une conservation satisfaisante du patrimoine archéologique et en garantir les moyens.

La législation doit prévoir des sanctions adéquates, proportionnelles aux infractions aux textes concernant le patrimoine archéologique.

Au cas où la législation n’étendrait sa protection qu’au patrimoine classé ou inscrit sur un inventaire officiel, des dispositions devraient être prises en vue de la protection temporaire de monuments et de sites non protégés ou récemment découverts, jusqu’à ce qu’une évaluation archéologique ait été faite.

L’un des risques physiques majeurs encourus par le patrimoine archéologique résulte des programmes d’aménagement. L’obligation pour les aménageurs de faire procéder à une étude d’impact archéologique avant de définir leur programmes doit donc être énoncée dans une législation adéquate stipulant que le coût de l’étude doit être intégré au budget du projet. Le principe selon lequel tout programme d’aménagement doit être conçu de façon à réduire au maximum les répercussions sur le patrimoine archéologique doit être également énoncé par une loi.

INVENTAIRES

Article 4.

La protection du patrimoine archéologique doit se fonder sur la connaissance la plus complète possible de son existence, de son étendue et de sa nature. Les inventaires généraux du potentiel archéologique sont ainsi des instruments de travail essentiels pour élaborer des stratégies de protection du patrimoine archéologique. Par conséquent, l’inventaire doit être une obligation fondamentale dans la protection et la gestion du patrimoine archéologique.

En même temps, les inventaires constituent une banque de données fournissant les sources primaires en vue de l’étude et de la recherche scientifique. L’établissement des inventaires doit donc être considéré comme un processus dynamique permanent. Il en résulte aussi que les inventaires doivent intégrer l’information à divers niveaux de précision et de fiabilité, puisque des connaissances même superficielles peuvent fournir un point de départ pour des mesures de protection.

INTERVENTIONS SUR LE SITE

Article 5.

En archéologie, la connaissance est largement tributaire de l’intervention scientifique sur le site. L’intervention sur le site embrasse toute la gamme des méthodes de recherche, de l’exploration non destructrice à la fouille intégrale en passant par les sondages limités ou la collecte d’échantillons.

Il faut admettre comme principe fondamental que toute collecte d’information sur le patrimoine archéologique ne doit détruire que le minimum des témoignages archéologiques nécessaires pour atteindre les buts, conservatoires ou scientifiques, de la campagne. Les méthodes d’intervention non destructives, observations aériennes, observations sur le terrain, observations subaquatiques, échantillonnage, prélèvements, sondages doivent être encouragées dans tous les cas, de préférence à la fouille intégrale.

La fouille implique toujours un choix des données qui seront enregistrées et conservées au prix de la perte de toute information et, éventuellement, de la destruction totale du monument ou du site. La décision de procéder à une fouille ne doit donc être prise qu’après mûre réflexion.

Les fouilles doivent être exécutées de préférence sur des sites et des monuments condamnés à la destruction en raison de programmes d’aménagement modifiant l’occupation ou l’affectation des sols, en raison du pillage, ou de la dégradation sous l’effet d’agents naturels.

Dans des cas exceptionnels, des sites non menacés pourront être fouillés soit en fonction des priorités de la recherche, soit en vue d’une présentation au public. Dans ces cas, la fouille doit être précédée d’une évaluation scientifique poussée du potentiel du site. La fouille doit être partielle et réserver un secteur vierge en vue de recherches ultérieures.

Lorsque la fouille a lieu, un rapport répondant à des normes bien définies doit être mis à la disposition de la communauté scientifique et annexé à l’inventaire approprié dans des délais raisonnables après la fin des travaux.

Les fouilles doivent être exécutées en conformité avec les recommandations de l’UNESCO (recommandations définissants les principes internationaux à appliquer en matière de fouilles archéologiques, 1956), ainsi qu’avec les normes professionnelles, internationales et nationales.

MAINTENANCE ET CONSERVATION

Article 6.

Conserver “in situ” monuments et sites devrait être l’objectif fondamental de la conservation du patrimoine archéologique. Toute translation viole le principe selon lequel le patrimoine doit être conservé dans son contexte original. Ce principe souligne la nécessité d’une maintenance, d’une conservation et d’une gestion convenables. Il en découle que le patrimoine archéologique ne doit être ni exposé aux risques et aux conséquences de la fouille, ni abandonné en l’état après la fouille si un financement permettant sa maintenance et sa conservation n’est pas préalablement garantie.

L’engagement et la participation de la population locale doivent être encouragés en tant que moyen d’action pour la maintenance du patrimoine archéologique. Dans certains cas, il peut être conseillé de confier la responsabilité de la protection et de la gestion des monuments et des sites à des populations autochtones.

Les ressources financières étant inévitablement limitées, la maintenance active ne pourra s’effectuer que de manière sélective. Elle devra donc s’exercer sur un échantillon étendu de sites et de monuments déterminé par des critères scientifiques de qualité et de représentativité, et pas seulement sur les monuments les plus prestigieux et les plus séduisants.

La Recommandation de l’UNESCO de 1956 doit s’appliquer également à la maintenance et à la conservation du patrimoine archéologique.

PRÉSENTATION, INFORMATION, RECONSTITUTION

Article 7.

La présentation au grand public du patrimoine archéologique est un moyen essentiel de le faire accéder à la connaissance des origines et du développement des sociétés modernes. En même temps, c’est le moyen le plus important pour faire comprendre la nécessité de protéger ce patrimoine.

La présentation au grand public doit constituer une vulgarisation de l’état des connaissances scientifiques et doit par conséquent être soumise à de fréquentes révisions. Elle doit prendre en compte les multiples approches permettant la compréhension du passé.

Les reconstitutions répondent à deux fonctions importantes, étant conçues à des fins de recherche expérimentale et pédagogiques. Elles doivent néanmoins s’entourer de grandes précautions afin de ne perturber aucune des traces archéologiques subsistantes; elles

doivent aussi prendre en compte des témoignages de toutes sortes afin d’atteindre à l’authenticité. Les reconstitutions ne doivent pas être construites sur les vestiges archéologiques eux-mêmes et doivent être identifiables comme telles.

QUALIFICATIONS PROFESSIONNELLES

Article 8.

Pour assurer la gestion du patrimoine archéologique, il est essentiel de maîtriser de nombreuses disciplines à un haut niveau scientifique. La formation d’un nombre suffisant de professionnels dans les secteurs de compétence concernés doit par conséquent être un objectif important de la politique d’éducation dans chaque pays. La nécessité de former des experts dans des secteurs hautement spécialisés exige, quant à elle, la coopération internationale.

La formation archéologique universitaire doit prendre en compte dans ses programmes le changement intervenu dans les politiques de conservation, moins soucieuses de fouilles que de conservation “in situ”. Elle devrait également tenir compte du fait que l’étude de l’histoire des populations indigènes est aussi importante que celle des monuments et des sites prestigieux pour conserver et comprendre le patrimoine archéologique.

La protection du patrimoine archéologique est un processus dynamique permanent. Par conséquent, toutes facilités doivent être accordées aux professionnels travaillant dans ce secteur, afin de permettre leur recyclage. Des programmes spécialisés de formation de haut niveau faisant une large place à la protection et à la gestion du patrimoine archéologique devraient être mis en oeuvre.

COOPÉRATION INTERNATIONALE

Article 9.

Le patrimoine archéologique étant un héritage commun à l’humanité toute entière, la coopération internationale est essentielle pour énoncer et faire respecter les critères de gestion de ce patrimoine.

Il existe un besoin pressant de circuits internationaux permettant l’échange des informations et le partage des expériences parmi les professionnels chargés de la gestion du patrimoine archéologique. Cela implique l’organisation de conférences, de séminaires, d’ateliers, etc. à l’échelon mondial aussi bien qu’à l’échelon régional, ainsi que la création de centres régionaux de formation de haut niveau. L’ICOMOS devrait, par l’intermédiaire de ses groupes spécialisés, tenir compte de cette situation dans ses projets à long et moyen termes.

De même, des programmes internationaux d’échange de personnels administratifs et scientifiques devraient être poursuivis comme fournissant le moyen d’élever le niveau des compétences en ce domaine.

Sous les auspices de l’ICOMOS, des programmes d’assistance technique devraient être développés.

 

CHARTE INTERNATIONALE SUR LA PROTECTION ET LA GESTION DU PATRIMOINE CULTUREL SUBAQUATIQUE (1996)

Ratifiée par la 11e Assemblée Générale de l’ICOMOS, à Sofia, Octobre 1996.

INTRODUCTION

Cette charte vise à encourager la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique qui se trouve dans les eaux intérieures, les eaux côtières, les mers peu profondes et les fonds marins des océans. Elle met l’accent sur les circonstances et les attributs particuliers qui entourent le patrimoine culturel subaquatique et elle devrait être perçue comme un supplément à la Charte sur la protection et la gestion du patrimoine archéologique, 1990. La Charte de 1990 définit le “patrimoine archéologique” comme la partie du patrimoine matériel pour lequel les méthodes archéologiques constituent le premier moyen d’acquérir de l’information, en ce qui a trait aux vestiges associés à la présence humaine, les lieux ayant un rapport avec toute manifestation de l’activité humaine, les constructions abandonnées et les vestiges de toutes sortes, de même que les objets culturels mobiles associés. Aux fins de la charte, on entend par patrimoine culturel subaquatique le patrimoine archéologique qui se trouve dans un environnement subaquatique ou qui en a été retiré. Ceci comprend les structures et les sites submergés, les lieux de naufrage, les épaves et leur contexte archéologique et naturel.

Par son caractère même, le patrimoine culturel subaquatique est un bien culturel de dimension internationale. Une large part du patrimoine culturel subaquatique se trouve en territoire international et résulte des communications et des échanges internationaux au cours desquels les bateaux et leur contenu se sont perdus, loin de leur point d’origine ou de leur destination.

L’archéologie est concernée par la conservation des biens culturels dans leur environnement. Dans le langage de la gestion des biens culturels, on dit que le patrimoine culturel subaquatique est à la fois fini et non renouvelable. Si le patrimoine culturel subaquatique doit nous aider à apprécier l’environnement dans l’avenir, nous devons prendre nos responsabilités individuelles et collectives maintenant pour en assurer la survie.

L’archéologie est une activité publique; chacun a droit de puiser dans le passé pour enrichir sa propre vie, et tout effort pour restreindre la connaissance du passé est une entrave à l’autonomie personnelle. Le patrimoine culturel subaquatique contribue à la formation de l’identité culturelle et peut servir à affermir le sens d’appartenance des membres d’une collectivité. S’il est géré avec soin, le patrimoine culturel subaquatique peut jouer un rôle positif dans la promotion des loisirs et du tourisme.

L’archéologie est animée par la recherche. Celle-ci enrichit la connaissance en pénétrant le monde de la diversité de la culture humaine à travers les âges et en présentant de nouvelles perspectives en ce qui concerne la vie passée. Une telle connaissance et de telles perspectives nous aident à comprendre la vie d’aujourd’hui et, de ce fait, nous permettent d’envisager les enjeux à venir.

De nombreuses activités subaquatiques sont en elles-mêmes bénéfiques et souhaitables, mais elles peuvent avoir des conséquences malheureuses pour le patrimoine culturel subaquatique si l’on n’en prévoit pas les effets.

Le patrimoine culturel subaquatique peut être menacé par des travaux de construction qui altèrent les côtes et les fonds marins ou qui modifient les courants, les sédiments et les parcours des polluants. Le patrimoine culturel subaquatique peut être aussi menacé par l’exploitation sans discernement des ressources naturelles. De plus, des moyens d’accès inappropriés, ou l’impact cumulatif de la collecte de “souvenirs” peuvent avoir un effet néfaste.

Beaucoup de ces menaces peuvent être éliminées, ou à tout le moins grandement réduite, si des archéologues sont consultés dès le départ et si des mesures d’atténuation de ces impacts sont mises en place. La présente Charte vise à mettre en place des normes archéologiques élevées pour s’opposer d’une façon rapide et efficace à ce genre de menaces pour le patrimoine culturel subaquatique.

Le patrimoine culturel subaquatique est aussi menacé par des activités totalement indésirables puisqu’elles ne profitent qu’à quelques-uns au détriment du plus grand nombre. L’exploitation commerciale du patrimoine culturel subaquatique pour la vente ou la spéculation est foncièrement incompatible avec la protection et la gestion du patrimoine. La Charte vise à assurer que toutes les interventions archéologiques aient un but, une méthodologie et des résultats escomptés qui soient clairs, de façon à ce que chaque objet apparaisse transparent aux yeux de tous.

Article 1 – Les principes de base

La conservation “in situ” du patrimoine culturel subaquatique devrait être considérée comme la première option.

L’accès au public devrait être encouragé.

Des techniques non destructives, des prospections et des échantillonnages non intrusifs devraient être favorisés de préférence à la fouille.

Les interventions archéologiques ne doivent pas avoir plus de conséquences négatives sur le patrimoine culturel subaquatique qu’il n’est nécessaire pour atteindre les objectifs d’atténuation ou de recherche du projet.

Les interventions archéologiques ne doivent pas inutilement déplacer les restes humains ou perturber les lieux sacrés.

Les interventions archéologiques doivent être documentées de façon adéquate.

Article 2 – Le programme

Avant de procéder à des interventions archéologiques, un programme doit être élaboré en tenant compte des éléments suivants :

  • les objectifs d’atténuation ou de recherche du projet ;
  • la méthodologie et les techniques à employer ;
  • le financement prévu ;
  • le calendrier du projet ;
  • les membres de l’équipe de recherche, leurs compétences, leur expérience et leurs responsabilités ;
  • la conservation des matériaux ;
  • la gestion et l’entretien du site ;
  • les procédures de collaboration avec des musées et d’autres institutions ;
  • la documentation ;
  • les mesures de santé et de sécurité ;
  • la préparation du rapport ;
  • le dépôt des archives de fouille, y compris les éléments du patrimoine culturel subaquatique récupérés durant les interventions ;
  • la diffusion, y compris la participation du public.

Le programme devrait être révisé et modifié selon les circonstances.

Les interventions archéologiques doivent être conduites selon le programme. Le programme devrait être consultable par l’ensemble de la communauté archéologique.

Article 3 – Le financement

Un financement adéquat doit être assuré avant le début des interventions archéologiques afin que toutes les étapes du programme soient réalisées, y compris la conservation, la préparation du rapport et sa diffusion. Le plan de projet devrait inclure des plans d’intervention qui assureront la conservation du patrimoine culturel subaquatique et de la documentation qui s’y rapporte dans le cas d’une interruption du financement prévu.

Le financement du projet ne doit pas se faire par la vente d’éléments du patrimoine culturel subaquatique ou par le recours à toute stratégie qui ferait que le patrimoine culturel subaquatique ou la documentation s’y rapportant seraient dispersés irrémédiablement.

Article 4 – Le calendrier

On doit s’assurer avant le début des interventions archéologiques de disposer du temps nécessaire pour compléter toutes les étapes du programme, y compris la conservation, la préparation du rapport et sa diffusion. Le programme doit comprendre les mesures alternatives qui assureront la conservation du patrimoine culturel subaquatique et la documentation qui s’y rapporte au cas où le projet serait écourté.

Article 5 -Objectifs, méthodologie et techniques des interventions archéologiques

Les objectifs des interventions archéologiques et le détail de la méthodologie et des techniques à employer doivent être établis dans le programme. La méthodologie devrait concorder avec les objectifs des interventions archéologiques et les techniques employées devraient être les moins perturbatrices que possible.

Une analyse des artefacts et de la documentation, faisant suite au travail sur le terrain, fait partie intégrante de toutes les interventions archéologiques: des dispositions à cet effet doivent figurer dans le plan du projet.

Article 6 – Compétences, responsabilités et expérience

Tous les membres de l’équipe de recherche doivent avoir les compétences et l’expérience requises pour leur participation au projet. Ils doivent être parfaitement au courant du travail qu’on attend d’eux et le comprendre.

Toute intervention archéologique impliquant des modifications au patrimoine culturel subaquatique sera entreprise sous la direction et la surveillance d’un archéologue subaquatique désigné dont les compétences sont reconnues et qui possède une expérience adaptée à la nature de cette intervention archéologique.

Article 7 – Études préliminaires

Une évaluation préliminaire examinant la fragilité, l’importance, le potentiel d’une ressource culturelle subaquatique doit précéder et documenter toutes les interventions archéologiques pouvant modifier cette ressource.

L’évaluation d’une ressource doit comprendre une étude de base portant sur les observations historiques et archéologiques disponibles, les caractéristiques archéologiques et environnementales du site et les conséquences d’une intrusion sur la stabilité à long terme du secteur touché par les interventions archéologiques.

Article 8 – La documentation

Toutes les interventions archéologiques doivent être documentées d’une façon aussi complète que possible et selon les normes professionnelles actuelles de la documentation archéologique.

La documentation doit fournir un état détaillé des données recueillies sur le site, ce qui comprend : la provenance des éléments du patrimoine culturel subaquatique déplacés ou retirés au cours des interventions archéologiques, les carnets de notes de terrain, les plans et les dessins, les photographies et toute autre forme de documentation.

Article 9 – La conservation matérielle

Le programme de conservation des objets doit prévoir le traitement des vestiges archéologiques pendant les interventions archéologiques, pendant leur transport et à long terme.

La conservation des objets doit se faire selon les normes professionnelles actuelles.

Article 10 – La gestion et l’entretien du site

Un programme de gestion du site doit être préparé, précisant les mesures de protection et de gestion “in situ” du patrimoine culturel subaquatique pendant et après les travaux sur le terrain. Le programme devrait comprendre les renseignements à l’intention du public, les dispositions raisonnables pour la stabilisation du site, et les mesures de surveillance et de protection contre les perturbations. On devrait promouvoir l’accès du public au patrimoine culturel subaquatique, sauf dans les cas où l’accès serait incompatible avec la protection et la gestion du site.

Article 11 – Les mesures de santé et de sécurité

La santé et la sécurité des équipes et des tierces parties procédant à des interventions archéologiques sont primordiales. Tous les membres d’une équipe procédant à des interventions archéologiques doivent travailler en respectant une politique de sécurité qui satisfasse aux exigences légales et professionnelles et qui soit décrite dans le programme.

Article 12 – Les rapports

Des rapports intérimaires devraient être présentés conformément au calendrier proposé dans le programme. Ils devraient être déposés dans des dépôts d’archives reconnus et accessibles au public.

Chaque rapport devrait comprendre :

  • un compte rendu des objectifs ;
  • un compte rendu de la méthodologie et des techniques employées ;
  • un compte rendu des résultats obtenus ;
  • des recommandations pour les interventions archéologiques futures, la gestion du site et la conservation des éléments du patrimoine culturel subaquatique retirés lors des interventions archéologiques.

Article 13 – L’archivage

Les éléments du patrimoine culturel subaquatique retirés pendant les interventions archéologiques et toute la documentation pertinente doivent être déposés auprès d’une institution qui en donnera accès au public et les conservera de façon permanente. On devrait prendre, avant le début des interventions archéologiques, des dispositions quant au dépôt des archives; ces dispositions devraient être consignées dans le programme. Les archives devraient être conservées conformément aux normes professionnelles actuelles.

L’intégrité scientifique des archives du projet doit être assurée; le dépôt dans des institutions différentes ne devrait pas empêcher qu’on puisse les réunir pour poursuivre les interventions archéologiques. Les objets du patrimoine culturel subaquatique ne doivent pas être dérangés comme des articles de valeur commerciale.

Article 14 – La diffusion

On devrait sensibiliser le public aux résultats des interventions archéologiques et à l’importance du patrimoine culturel subaquatique par des présentations de vulgarisation faites dans divers médias. On ne devrait pas nuire à de telles présentations en imposant des droits d’accès élevés

La collaboration avec les communautés et les groupes locaux doit être encouragée, tout comme la collaboration avec les communautés et les groupes qui sont particulièrement liés au patrimoine culturel subaquatique en cause. Il est souhaitable que les interventions archéologiques se fassent avec le consentement et l’appui de ces communautés et de ces groupes.

L’équipe conduisant des interventions archéologiques devra chercher à faire participer les communautés et les groupes intéressés dans la mesure où une telle participation est compatible avec les objectifs de protection et de gestion. Lorsque cela est possible, l’équipe conduisant les interventions archéologiques devrait offrir au public la possibilité d’acquérir et de développer certaines compétences archéologiques par la formation et l’éducation.

La collaboration avec les musées et d’autres institutions devrait être encouragée. Avant les interventions archéologiques, on devrait se procurer tous les résultats des recherches antérieures et les rapports faits par les institutions collaboratrices. De plus, on devrait prendre des dispositions pour les visites du site.

Un rapport final de synthèse sur les interventions archéologiques doit être présenté dès que possible, en tenant compte de la complexité de l’intervention archéologique, et déposé dans les dépôts d’archives publiques les plus concernées.

Article 15 – La collaboration Internationale

La collaboration internationale est essentielle pour la protection et la gestion du patrimoine culturel subaquatique et devrait être favorisée de façon à maintenir des normes élevées dans les interventions archéologiques. La collaboration internationale devrait être encouragée pour mieux utiliser les archéologues et autres professionnels qui sont spécialisés dans les interventions archéologiques ayant pour objet le patrimoine culturel subaquatique. Des programmes d’échange de professionnels devraient être envisagés comme moyen de diffuser les meilleures pratiques.

 

CHARTE INTERNATIONALE DU TOURISME CULTUREL La Gestion du Tourisme aux Sites de Patrimoine Significatif (1999)

Adoptée par ICOMOS à la 12è Assemblée Générale au Mexique, Octobre 1999.

INTRODUCTION Principes généraux de la charte

Au sens le plus large, le patrimoine naturel et culturel appartient à tous les hommes. Nous avons chacun un droit et une responsabilité de compréhension, d’appréciation et de conservation de ces valeurs universelles.

Le patrimoine est un concept vaste qui réunit aussi bien l’environnement naturel que culturel. Il englobe les notions de paysage, d’ensembles historiques, de sites naturels et bâtis aussi bien que les notions de biodiversité, de collections, de pratiques culturelles traditionnelles ou présentes, de connaissance et d’expérimentation. Il rappelle et exprime le long cheminement du développement historique qui constitue l’essence des diverses identités nationales, régionales, indigène et locales, et fait partie intégrante de la vie moderne. C’est un point de référence dynamique et un instrument positif du développement et des échanges. Le patrimoine particulier et la mémoire collective de chaque lieu et de chaque communauté sont irremplaçables et représentent une base essentielle du développement, à la fois maintenant et pour l’avenir.

En cette période de globalisation croissante, la protection, la conservation, l’interprétation et la présentation du patrimoine et de la diversité culturelle de chaque lieu ou région, sont un enjeu important pour tous et partout. Cependant, la gestion de ce patrimoine, dans le cadre de recommandations internationales reconnues et appropriées, relève habituellement de la responsabilité des communautés d’accueil.

Un premier objectif pour la gestion du patrimoine consiste à faire connaître sa signification et les justifications de sa conservation aussi bien aux communautés d’accueil qu’aux visiteurs. Une gestion matérielle raisonnable et une approche intellectuelle et/ou émotionnelle du patrimoine et du développement culturel sont à la fois un droit et un privilège. Cette gestion doit être porteuse de respect pour les valeurs patrimoniales, pour les populations indigènes qui les perpétuent, pour les paysages et les cultures qui les ont produites, pour les intérêts et les droits actuels des communautés d’accueil, et pour les propriétaires d’ensembles historiques.

Les interactions dynamiques entre patrimoine culturel et tourisme

Le tourisme national et international a été et demeure un des principaux véhicules d’échanges culturels, une occasion d’expériences professionnelles non seulement de ce qui a survécu du passé mais aussi de la vie actuelle d’autres groupes humains. Il est de plus en plus largement reconnu comme une force positive qui favorise la conservation du patrimoine naturel et culturel. Le tourisme peut saisir les caractéristiques économiques du patrimoine et les utiliser pour sa conservation en créant des ressources, en développant l’éducation et en infléchissant la politique. Il représente un enjeu économique essentiel pour de nombreux pays et de nombreuses régions, et peut être un facteur important de développement, lorsqu’il est géré avec succès.

Le tourisme est devenu un phénomène complexe en plein développement. Il joue un rôle essentiel dans les domaines économiques, sociaux, culturels, éducatifs, scientifiques, écologiques et esthétiques. Parvenir à dépasser pour les valoriser les conflits qui peuvent exister entre les attentes et les aspirations des visiteurs et celles des communautés d’accueil, constitue à la fois un enjeu et une opportunité.

Le patrimoine naturel et culturel, comme la diversité des cultures vivantes sont des attractions touristiques majeures. Un tourisme excessif peut de la même façon qu’un tourisme inexistant ou mal géré nuire à l’intégrité physique et à la signification du patrimoine. La fréquentation touristique peut également conduire à la dégradation des espaces naturels ainsi que des cultures et des modes de vie des communautés d’accueil.

Le tourisme est porteur d’avantages pour les communautés d’accueil et leur procure des moyens importants et des justifications pour prendre en charge et maintenir leur patrimoine et leurs pratiques culturelles. La participation et la coopération entre les communautés d’accueil représentatives, les conservateurs, les opérateurs touristiques, les propriétaires privés, les responsables politiques, les concepteurs et les gestionnaires des programmes de planification, et les gestionnaires de sites sont nécessaires pour mettre en oeuvre une industrie touristique durable et favoriser la protection des ressources patrimoniales pour les générations futures.

ICOMOS, Conseil International des Monuments et des Sites, en tant qu’auteur de cette Charte, ainsi que les autres organisations internationales et les industries du tourisme, sont prêts à relever ce défi.

Objectifs de la charte

Les objectifs de la charte du tourisme culturel sont :

  • Encourager et faciliter le travail de ceux qui participent à la conservation et à la gestion du patrimoine afin de le rendre plus accessible aux communautés d’accueil et aux visiteurs.
  • Encourager et faciliter le travail de l’industrie touristique pour promouvoir et gérer le tourisme dans le respect et la mise en valeur du patrimoine et des cultures vivantes des communautés d’accueil.
  • Encourager et faciliter le dialogue entre les responsables du patrimoine et ceux des industries du tourisme afin de mieux faire comprendre l’importance et la fragilité des ensembles patrimoniaux, des collections, des cultures vivantes dans le souci de les sauvegarder à long terme.
    • Encourager ceux qui proposent des programmes et des politiques afin de développer des projets précis et mesurables, et des stratégies qui touchent à la présentation et l’interprétation des ensembles patrimoniaux et des activités culturelles dans le contexte de leur protection et de leur conservation.
    • En outre,
  • La Charte encourage l’ensemble des initiatives de l’ICOMOS, des autres organisations internationales et des industries touristiques qui visent à améliorer les conditions de gestion et de conservation du patrimoine.
  • La Charte encourage les contributions de tous les responsables agissant dans les domaines du patrimoine et du tourisme et qui permettront d’atteindre ces objectifs.
  • La Charte encourage la réalisation de guides détaillés par les parties intéressées. Ces guides faciliteront l’application concrète des principes établis par la Charte dans le cadre d’interventions particulières et à la demande d’organisations et de communautés d’accueil spécifiques.

PRINCIPES DE LA CHARTE DU TOURISME CULTUREL Principe 1

Le tourisme national et international est l’un des principaux véhicules des échanges culturels. La protection du patrimoine doit offrir des opportunités sérieuses et bien gérées aux membres des communautés d’accueil et aux visiteurs pour expérimenter et comprendre le patrimoine et la culture des différentes communautés.

1.1

Le patrimoine culturel est une ressource à la fois matérielle et spirituelle. Il témoignage d’un développement historique. Il a un rôle important dans la vie contemporaine et doit être accessible physiquement, intellectuellement et émotionnellement au grand public. Les programmes de protection et de conservation des éléments physiques, des aspects intangibles et des expressions de la culture contemporaine prises dans leur sens le plus large, doivent faciliter la compréhension et la prise en considération de la signification du patrimoine par les communautés d’accueil et les visiteurs, d’une manière équitable et adaptée aux moyens dont ils disposent.

1.2

Les caractéristiques particulières du patrimoine naturel et culturel ont des niveaux de signification différents, certaines sont investies d’une valeur universelle, d’autres d’une valeur nationale, régionale ou locale. Les programmes d’interprétation doivent présenter ces différents niveaux de signification de manière pertinente et accessible aux communautés d’accueil et aux visiteurs, en utilisant des moyens pédagogiques actuels stimulants, média, technologie, explications personnalisées des aspects historiques, environnementaux et culturels.

1.3

Les programmes d’interprétation doivent faciliter et encourager une prise de conscience profonde par le public, prise de conscience qui constitue une base essentielle pour assurer la préservation dans le temps du patrimoine naturel et culturel.

1.4

Les programmes d’interprétation doivent présenter la signification des ensembles patrimoniaux, des traditions et des pratiques culturelles dans le cadre des expériences passées et de la diversité présente des territoires et des communautés, sans négliger les minorités culturelles et linguistiques. Le visiteur doit aussi être informé des différentes valeurs culturelles qui caractérisent tel ou tel type de patrimoine.

Principe 2

La relation entre le patrimoine et le tourisme est dynamique et doit dépasser les conflits de valeurs. Elle doit être gérée de manière durable au profit des générations actuelles et futures.

2.1

La signification des ensembles patrimoniaux constitue une valeur pour tous les peuples et une base importante de la diversité culturelle et du développement social. La protection et la conservation à long terme des cultures vivantes, des ensembles patrimoniaux et des collections, ainsi que leur intégrité physique et écologique dans leur contexte environnemental, doivent être une composante essentielle des politiques de développement social, économique, législatif, culturel et touristique.

2.2

L’interaction entre les ressources patrimoniales et le tourisme est dynamique et en constante évolution, générant à la fois des opportunités, des défis et des potentialités de conflits. Les projets, activités et développements touristiques doivent parvenir à des résultats positifs et limiter les impacts négatifs qui pourraient nuire au patrimoine et aux modes de vie des communautés d’accueil, tout en répondant au mieux aux besoins et aux aspirations des visiteurs.

2.3

Les programmes de protection, d’interprétation et de développement touristique doivent être basés sur une approche compréhensible des aspects particuliers, souvent complexes et conflictuels, de la signification des différents patrimoines. La poursuite régulière d’activités de recherche est importante car elle permet d’approfondir la compréhension et l’appréciation de la signification de ces différents témoignages patrimoniaux.

2.4

La préservation de l’authenticité des ensembles patrimoniaux et des collections est importante. C’est une condition essentielle de leur signification culturelle qui s’exprime dans les matériaux, la mémoire collective et les traditions qui nous viennent du passé. Les programmes doivent présenter et interpréter l’authenticité des ensembles patrimoniaux de manière à favoriser la compréhension et l’appréciation de ce patrimoine culturel.

2.5

Les projets de développement touristique et d’infrastructures doivent prendre en compte les dimensions esthétiques, sociales et culturelles, les paysages naturels et culturels, les caractéristiques de la biodiversité ainsi que l’environnement visuel le plus large des ensembles patrimoniaux. On doit donner la préférence aux matériaux locaux et prendre en compte les caractéristiques de l’architecture locale et les particularités des constructions vernaculaires.

2.6

La promotion et le développement touristique des ensembles patrimoniaux doivent être précédés par la mise en place de plans de gestion qui prennent en compte la valeur naturelle et culturelle de la ressource patrimoniale. Ils doivent établir les limites acceptables des modifications susceptibles d’être apportées à ces ensembles, en tenant compte en particulier de l’impact de la fréquentation touristique sur les caractéristiques physiques, l’intégrité, l’écologie et la biodiversité des espaces, les accès, les systèmes de transport, et le bien être social, économique et culturel des communautés d’accueil. Si le niveau des modifications proposées est inacceptable, le projet de développement doit être modifié.

2.7

Des programmes d’évaluation doivent permettre d’estimer les impacts progressifs des activités touristiques et du développement dans des espaces spécifiques ou des communautés particulières.

Principe 3

Les opérations de mise en valeur des ensembles patrimoniaux doivent assurer aux visiteurs une expérience enrichissante et agréable.

3.1

Les programmes de protection et de tourisme doivent présenter une information de haute qualité de manière à favoriser la compréhension par le visiteur de la signification des caractéristiques du patrimoine et de la nécessité de le protéger. Ces programmes doivent aussi contribuer, de manière appropriée, à mettre le visiteur en situation de profiter au mieux de sa visite.

3.2

Le visiteur doit pouvoir visiter les ensembles patrimoniaux comme il le souhaite, si c’est son propre choix. Un circuit de circulation spécifique peut être nécessaire pour réduire les impacts de ce type de visite sur l’intégrité, et les caractéristiques physiques, naturelles et culturelles des sites.

3.3

Le respect du caractère sacré des sites, des pratiques et des traditions de nature spirituelle doit être pris en considération de façon prioritaire par les gestionnaires de sites, les visiteurs, les hommes politiques, les planificateurs et les opérateurs touristiques. Les visiteurs doivent être encouragés à se comporter en invités bienvenus, respectueux des valeurs et des styles de vie des communautés d’accueil, en rejetant les vols et le commerce illicite des biens culturels et en se comportant de manière à favoriser le maintien d’un accueil favorable pour les visiteurs à venir.

3.4

La planification des activités touristiques doit offrir aux visiteurs les meilleures conditions de confort, de sécurité et de bien-être de manière à renforcer le plaisir de la visite mais sans que cela ne nuise à la signification et aux caractéristiques écologiques du patrimoine.

Principe 4

Les communautés d’accueil et les populations locales doivent participer aux programmes de mise en valeur touristique des sites patrimoniaux.

4.1

Les droits et les intérêts des communautés d’accueil tant au niveau régional que local, les propriétaires privés et les peuples indigènes qui exercent des droits traditionnels et des responsabilités sur leurs propres territoires et sur les sites chargés pour eux d’une signification particulière, doivent être respectés. Ils doivent participer à l’élaboration et à la mise en oeuvre des projets de mise en valeur du patrimoine en définissant les enjeux, les stratégies, les politiques et les procédures permettant d’identifier, de conserver, de gérer, de présenter et d’interpréter leurs ressources patrimoniales ainsi que leurs pratiques culturelles traditionnelles et actuelles, et ceci dans un contexte touristique.

4.2

Bien que le patrimoine culturel revête une signification universelle, on doit respecter le souhait des communautés d’accueil ou des populations locales de restreindre ou de gérer directement l’accès physique, spirituel ou intellectuel à certaines pratiques culturelles, connaissances et croyances, mais aussi à certains objets ou à certains sites.

Principe 5

Les activités de tourisme et de protection du patrimoine doivent bénéficier aux communautés d’accueil.

5.1

Les politiques de conservation et de développement touristique doivent promouvoir des mesures qui favorisent une répartition équilibrée des bénéfices du tourisme entre les pays et les régions, accroître les niveaux de développement socio-économique et contribuer à soulager la pauvreté.

5.2

La gestion du patrimoine et le tourisme doivent produire des bénéfices économiques, sociaux et culturels, équitablement répartis entre les hommes et les femmes des communautés d’accueil, à tous les niveaux, à travers l’éducation, la formation et la création d’opportunités d’emplois à plein temps.

5.3

Une partie significative des revenus provenant de l’exploitation touristique du patrimoine doit être affectée à la protection, la conservation et la présentation des sites patrimoniaux, et ceci dans leur contexte naturel et culturel. Autant que possible, les visiteurs doivent être informés de l’existence de cette procédure financière.

5.4

Les programmes de développement touristique du patrimoine doivent encourager la formation et l’emploi de guides et d’interprètes de sites issus des communautés d’accueil afin de favoriser les savoir-faire des populations locales pour présenter et interpréter leurs valeurs culturelles propres.

5.5

Les programmes d’éducation et d’interprétation du patrimoine culturel mis en oeuvre au sein des communautés d’accueil doivent encourager le développement des qualifications d’interprètes de sites. Ces programmes doivent promouvoir la connaissance et le respect de leur patrimoine par les populations locales et les encourager à s’intéresser directement à leur prise en charge et leur conservation.

5.6

Les programmes de gestion concernant le développement touristique des sites patrimoniaux doivent faire une place importante à l’éducation et à la formation des hommes politiques, des planificateurs, des chercheurs, des designers, des architectes, des interprètes du patrimoine, des conservateurs et des responsables de l’industrie touristique. Les partenaires doivent être encouragés à comprendre les problèmes que peuvent rencontrer leurs collègues et à les aider afin d’y trouver des solutions.

Principe 6

Les programmes de promotion touristique doivent protéger et valoriser les caractéristiques du patrimoine naturel et culturel.

6.1

Les programmes de promotion touristique doivent susciter des attentes réalistes et informer de façon responsable les visiteurs potentiels sur les caractéristiques patrimoniales spécifiques des sites et des communautés d’accueil, et par ces moyens les encourager à se comporter de manière appropriée.

6.2

Les ensembles patrimoniaux et les collections doivent être promus et gérés de manière à protéger leur authenticité et à favoriser les meilleures conditions de visites en limitant les fluctuations incontrôlées des arrivées et en évitant les phénomènes de sur fréquentation dans un même lieu au même moment.

6.3

Les programmes de promotion touristique doivent favoriser une large redistribution des bénéfices et alléger la pression qui pèse sur les sites les plus populaires. Ils doivent encourager les visiteurs à expérimenter de la manière la plus large les différents éléments du patrimoine naturel et culturel d’une région ou d’une localité.

6.4

La promotion, la distribution et la vente de produits d’artisanat local et d’autres produits doivent favoriser une redistribution raisonnable des profits économiques et sociaux qu’ils produisent au bénéfice des communautés d’accueil, tout en s’assurant que leur intégrité culturelle n’est pas dégradée.

 

CHARTE DU PATRIMOINE BÂTI VERNACULAIRE (1999)

Ratifiée par la 12è Assemblée Générale de ICOMOS, au Mexique, octobre 1999.

INTRODUCTION

Le patrimoine bâti vernaculaire suscite à juste titre la fierté de tous les peuples. Reconnu comme une création caractéristique et pittoresque de la société, il se manifeste de façon informelle, et pourtant organisée; utilitaire, il possède néanmoins un intérêt et une beauté. C’est à la fois un reflet de la vie contemporaine et un témoin de l’histoire de la société. Bien qu’il soit oeuvre humaine, il est aussi le produit du temps. Il serait indigne de l’héritage de l’humanité de ne pas chercher à conserver et à promouvoir ces harmonies traditionnelles qui sont au coeur même de son existence et de son avenir.

Le patrimoine bâti vernaculaire est important car il est l’expression fondamentale de la culture d’une collectivité, de ses relations avec son territoire et, en même temps, l’expression de la diversité culturelle du monde.

La construction vernaculaire est le moyen traditionnel et naturel par lequel les communautés créent leur habitat. C’est un processus en évolution nécessitant des changements et une adaptation constante en réponse aux contraintes sociales et environnementales. Partout dans le monde, l’uniformisation économique, culturelle et architecturale menace la survie de cette tradition. La question de savoir comment résister à ces forces est fondamentale et doit être résolue non seulement par les populations, mais aussi par les gouvernements, les urbanistes, les architectes, les conservateurs, ainsi que par un groupe pluridisciplinaire d’experts.

En raison de l’uniformisation de la culture et des phénomènes de mondialisation socioéconomiques, les structures vernaculaires dans le monde sont extrêmement vulnérables parce qu’elles sont confrontées à de graves problèmes d’obsolescence, d’équilibre interne et d’intégration.

Il est par conséquent nécessaire, en complément de la Charte de Venise, d’établir des principes pour l’entretien et la protection de notre patrimoine bâti vernaculaire.

PRINCIPES GÉNÉRAUX

1. Les bâtiments vernaculaires présentent les caractéristiques suivantes : a) Un mode de construction partagé par la communauté ; b) Un caractère local ou régional en réponse à son environnement ; c) Une cohérence de style, de forme et d’aspect, ou un recours à des types de

construction traditionnels ; d) Une expertise traditionnelle en composition et en construction transmise de façon informelle ; e) Une réponse efficace aux contraintes fonctionnelles, sociales et environnementales ; f) Une application efficace de systèmes et du savoir-faire propres à la construction traditionnelle.

2. L’appréciation et l’efficacité de la protection du patrimoine vernaculaire dépendent de l’engagement et du soutien de la collectivité, de son utilisation et de son entretien continuels.

3. Les gouvernements et les autorités compétentes doivent reconnaître à toutes les collectivités le droit de préserver leurs modes de vie traditionnels et de les protéger par tous les moyens législatifs, administratifs et financiers à leur disposition et de les transmettre aux générations futures.

PRINCIPES DE CONSERVATION

  1. La conservation du patrimoine bâti vernaculaire doit être menée par des spécialistes de diverses disciplines, qui reconnaissent le caractère inéluctable du changement et du développement et le besoin de respecter l’identité culturelle de la collectivité.
  2. Les interventions contemporaines sur les constructions, les ensembles et les établissements vernaculaires doivent respecter leurs valeurs culturelles et leur caractère traditionnel.
  3. Le patrimoine vernaculaire s’exprime rarement par des constructions isolées et il est mieux conservé par le maintien et la préservation d’ensembles et d’établissements représentatifs, région par région.
  4. Le patrimoine bâti vernaculaire fait partie intégrante du paysage culturel et cette relation doit donc être prise en compte dans la préparation des projets de conservation.
  5. Le patrimoine vernaculaire ne comprend pas seulement les formes et les matériaux des bâtiments, structures et des lieux, mais également la manière dont ces éléments sont utilisés et perçus ainsi que les traditions et les liens intangibles qui leur sont reliés.

ORIENTATIONS PRATIQUES

1. Recherche et documentation

Toute intervention physique sur une structure vernaculaire devrait être menée avec prudence et précédée d’une analyse complète de sa forme et de sa structure. Ce document devrait être conservé dans des archives accessibles au public.

2. Emplacement, paysage et groupes de bâtiments

Les interventions sur les structures vernaculaires devraient être menées dans le respect et le maintien de l’intégrité de l’emplacement, de la relation avec les paysages physiques et culturels et de l’agencement d’une structure par rapport aux autres.

3. Systèmes de construction traditionnels

Le maintien des systèmes de construction traditionnels et du savoir-faire lié au patrimoine vernaculaire est capital pour l’architecture vernaculaire et essentiel pour la réfection et la restauration de ces structures. C’est par l’éducation et la formation que ce savoir-faire devrait être conservé, enregistré et transmis aux nouvelles générations d’artisans et de bâtisseurs.

4. Remplacement des matériaux et des éléments architecturaux

Les transformations qui satisfont légitimement aux exigences modernes devraient être réalisées avec des matériaux qui assurent la cohérence de l’expression, de l’aspect, de la texture et de la forme de l’ensemble de la construction et la cohésion des différents matériaux entre eux.

5. Adaptation

L’adaptation et la réutilisation des constructions vernaculaires devraient être effectuées dans le respect de l’intégrité de la structure, de son caractère et de sa forme tout en étant compatibles avec des standards de vie acceptables. La pérennité des modes de construction vernaculaire peut être assurée par l’élaboration par la collectivité d’un code d’éthique qui peut servir aux interventions.

6. Changements et restauration d’époque

Les modifications apportées dans le temps aux bâtiments doivent être appréciées et comprises comme des éléments importants de l’architecture vernaculaire. La conformité de tous les éléments d’un bâtiment à une même période ne sera pas, en général, l’objectif des interventions sur les structures vernaculaires.

7. Formation

Afin de conserver les valeurs culturelles de l’architecture vernaculaire, les gouvernements, les autorités compétentes, les groupes et les organismes devraient mettre l’accent sur :

a) Des programmes éducatifs susceptibles de transmettre les principes du patrimoine vernaculaire aux conservateurs ;

b) Des programmes de formation pour aider les collectivités à préserver les systèmes de construction, les matériaux et le savoir-faire traditionnels ;

c) Des programmes d’information qui accroissent la sensibilisation du public et des jeunes en particulier dans le domaine de l’architecture vernaculaire ;

d) Des réseaux inter-régionaux d’architecture vernaculaire pour échanger des expertises et des expériences.

CIAV : Madrid, 30 janvier 1996 Jérusalem, 28 mars 1996 Mikkeli, 26 février 1998 Saint-Domingue, 26 août 1998 ICOMOS : Stockholm, 13 septembre 1998

 

PRINCIPES A SUIVRE POUR LA CONSERVATION DES
STRUCTURES HISTORIQUES EN BOIS (1999)

Adoptés par ICOMOS à la 12e Assemblée Générale au Mexique, octobre 1999.

Le but du présent énoncé est de définir des principes et des pratiques fondamentales et universellement applicables pour la protection et la conservation des structures historiques en bois qui respectent leur signification culturelle. Par structures historiques en bois, on entend ici tous types de bâtiments ou de constructions faits entièrement ou partiellement en bois, et qui ont une signification culturelle ou font partie d’un site historique. Pour la conservation de ces monuments, les Principes :

  • reconnaissant l’importance des structures en bois de toutes les époques dans le patrimoine culturel mondial ;
  • considérant la grande variété des structures en bois dans le monde ;
  • considérant la diversité des essences et des qualités de bois utilisées pour les construire ;
  • reconnaissant la vulnérabilité des structures construites entièrement ou partiellement en bois, en raison de la détérioration et de la dégradation des matériaux exposés à des conditions environnementales ou climatiques variées, et due aux variations du degré d’humidité, à la lumière, aux champignons, aux insectes, à l’usure, aux incendies et autres sinistres ;
  • reconnaissant que la raréfaction des structures historiques en bois est due à leur vulnérabilité, à leur mauvais usage et à la disparition des savoir-faire reliés aux techniques de design et de construction traditionnelles ;
  • considérant la grande diversité des mesures et des traitements requis pour la préservation et la conservation de ces ressources historiques ;
  • prenant note des principes de la Charte de Venise et de la Charte de Burra ainsi que de la doctrine de l’UNESCO et de l’ICOMOS, et cherchant à appliquer ces principes généraux à la protection et à la préservation des structures en bois ;

Énoncent les recommandations suivantes :

INSPECTION, RELEVÉS ET DOCUMENTATION

  1. Avant toute intervention, l’état de la structure et de ses éléments devra être soigneusement documenté, de même que tous les matériaux utilisés pour les traitements, conformément à l’article 16 de la Charte de Venise et aux Principes de l’ICOMOS pour l’enregistrement documentaire des monuments, des ensembles architecturaux et des sites culturels. Toute documentation pertinente, y compris échantillons caractéristiques de matériaux superflus ou d’éléments enlevés à la structure, ainsi que toute information concernant les techniques et savoir-faire traditionnels, devront être collectées, cataloguées, déposées en lieu sûr et rendues accessibles au moment opportun. La documentation devra également inclure les raisons spécifiques du choix des matériaux et des méthodes utilisées pour les travaux de conservation.
  2. Un diagnostic exhaustif des conditions et des causes de détérioration et de défaillance des structures de bois devra précéder toute intervention. Ce diagnostic devra s’appuyer sur des preuves tangibles, sur une inspection et une analyse de l’état physique et, si nécessaire, sur des mesures et des tests non destructifs. Ceci ne devrait pas empêcher les interventions mineures nécessaires, ni les mesures d’urgence.

SURVEILLANCE ET ENTRETIEN

3. Une stratégie cohérente de surveillance continue et d’entretien régulier est d’importance cruciale pour la conservation des structures historiques de bois ainsi que pour la préservation de leur signification culturelle.

INTERVENTIONS

4. Le but premier de la préservation et de la conservation est de maintenir l’authenticité historique et l’intégrité du patrimoine culturel. Toute intervention devra donc être basée sur des études et des évaluations adéquates. Les problèmes devront être résolus en fonction des conditions et des besoins présents, tout en respectant les valeurs esthétique et historique ainsi que l’intégrité physique de la structure ou du site.

5. Toute intervention proposée devra favoriser : a) l’utilisation de méthodes et de techniques traditionnelles ; b) être techniquement réversible, si possible ; ou, c) au moins, ne pas entraver ou empêcher d’effectuer des travaux de

conservation s’ils s’avéraient nécessaires dans le futur ; et, d) ne pas empêcher l’accès futur aux informations incorporées dans la structure.

  1. On recherchera avant tout à toucher le moins possible au tissu historique des structures en bois. Dans certains cas, l’intervention minimum visant à assurer la préservation et conservation de ces structures en bois pourra signifier leur démontage, complet ou partiel, et leur remontage subséquent, afin de permettre d’effectuer les réparations qui s’imposent.
  2. Lors d’interventions, la structure historique de bois devra être considérée comme un tout; tous les matériaux, y compris pièces d’ossature, planchers, murs, cloisons, éléments de toiture, portes et fenêtres, etc., devront recevoir la même attention. En principe, il faudra conserver le maximum de matériaux existants. La préservation devra s’étendre aux plâtres, peintures, enduits, papiers peints, etc. S’il s’avérait nécessaire de rénover ou de remplacer les matériaux de finition, on devrait copier dans la mesure du possible les matériaux, techniques et textures d’origine.
  3. Le but de la restauration est de conserver la structure historique ainsi que sa fonction portante, et d’en révéler la valeur culturelle en améliorant la lisibilité de son intégrité historique, de ses stades antérieurs et de sa conception originale, dans les limites des preuves matérielles historiques existantes, tel qu’indiqué aux articles 9 à 13 de la Charte de Venise. Les pièces et autres éléments retirés d’une structure historique devront être catalogués et des échantillons caractéristiques devront être gardés dans une réserve permanente comme faisant partie de la documentation.

RÉPARATION ET REMPLACEMENT

9. Pour la réparation des structures historiques, on pourra utiliser des pièces de bois de remplacement qui respectent les valeurs historique et esthétique en présence, lorsque cela est nécessaire pour remplacer des éléments ou parties d’éléments détériorés ou endommagés, ou pour les besoins de la restauration.

Les nouvelles pièces, ou parties de pièce, devront être des mêmes essences de bois et de même qualité, ou, si nécessaire, de meilleure qualité que les pièces qu’elles remplacent. Elles devront, si possible, avoir des caractéristiques naturelles similaires. Le taux d’humidité et les autres caractéristiques physiques du bois de remplacement devront être compatibles avec la structure existante. On devra utiliser des techniques artisanales et des modes de construction correspondant à ceux utilisés à l’origine, ainsi que le même type d’outils et de machines. Les clous et autres accessoires devront copier les matériaux d’origine.

Pour remplacer une partie de pièce détériorée, on emploiera un assemblage traditionnel pour raccorder la pièce nouvelle à l’ancienne, si cette opération s’avère possible et compatible avec les caractéristiques de la structure à réparer.

  1. Il faudra faire en sorte que les nouvelles pièces, ou parties de pièce, se distinguent des anciennes. Il n’est pas souhaitable de copier l’usure ou la déformation des éléments enlevés. On pourra employer des méthodes traditionnelles appropriées ou des méthodes modernes éprouvées pour atténuer la différence de couleur entre parties anciennes et parties neuves, en veillant à ce que cela n’affecte ou n’endommage pas la surface de la pièce de bois.
  2. Les nouvelles pièces, ou parties de pièce, devront porter une marque discrète, gravée au ciseau ou au fer rouge, par exemple, de manière à ce qu’elles soient identifiables dans l’avenir.

LES RÉSERVES DE FORÊTS HISTORIQUES

12. On devra encourager la création et la protection de forêts ou de réserves forestières pouvant fournir les matériaux nécessaires à la conservation et à la réparation des structures historiques de bois.

Les institutions responsables de la sauvegarde et de la conservation des bâtiments et des sites historiques devront établir ou encourager la création de commerces de bois où il sera possible de se procurer les matériaux appropriés pour intervenir sur ce type de structures.

MATÉRIAUX ET TECHNIQUES DE CONSTRUCTION CONTEMPORAINS

  1. Les matériaux contemporains comme les résines époxydes, et les techniques modernes comme les renforts structurels en acier, devront être choisis et utilisés avec la plus grande prudence, et seulement dans les cas ou la durabilité et le comportement structurel des matériaux et des techniques de construction auront été prouvés satisfaisants sur une longue période de temps. Les services mécaniques, comme le chauffage et les systèmes de détection et de prévention des incendies, seront installés de manière à respecter la signification historique et esthétique de la structure ou du site.
  2. Il faudra limiter et contrôler l’usage des produits chimiques, qui ne seront utilisés que s’ils représentent un avantage certain, s’ils ne présentent aucun risque pour le public et l’environnement, et que si leur efficacité à long terme a été démontrée.

FORMATION

15. La régénération des valeurs relatives à la signification culturelle des structures historiques en bois par le biais de programmes de formation est une condition préalable à une politique de conservation et de développement durables. On encouragera donc la création et le développement de programmes de formation touchant à la protection, à la sauvegarde et à la conservation des structures historiques en bois. Cette formation devra être basée sur un plan stratégique qui intègre les besoins de production et de consommation durable, et comporter des programmes de niveaux local, régional, national et international. Ces programmes devront s’adresser à toutes les professions et secteurs d’activité engagés dans ce genre de travail, en particulier aux architectes, conservateurs, ingénieurs, artisans et gestionnaires de sites.

 

CHARTE ICOMOS -PRINCIPES POUR L’ANALYSE, LA CONSERVATION ET LA RESTAURATION DES STRUCTURES DU PATRIMOINE ARCHITECTURAL (2003

Adoptés par la 14ème Assemblée Générale de l’ICOMOS à Victoria Falls, Zimbabwe, Octobre 2003

PRINCIPES GENERAUX

BUT DU DOCUMENT

Les édifices anciens par leur nature (matériaux et mises en œuvre) imposent des démarches particulières pour le diagnostic et la restauration qui limitent l’application des normes légales et de construction applicables

Des recommandations ne sont pas seulement souhaitables, elles sont nécessaires afin de garantir que les procédures relatives à la restauration des structures soient adaptées au contexte rationnel, scientifique et culturel.

Les “PRINCIPES” présentés dans ce document, qui seront suivis de directives, constituent la première étape vers la préparation des recommandations, instrument indispensable pourtous les intervenants de la conservation et de la restauration des structures. Les directives sont disponibles en anglais dans un document séparé.

    1. CRITÈRES GÉNÉRAUX
    2. 1.1. La conservation, le renforcement et la restauration des structures du patrimoine architectural requièrent une approche pluridisciplinaire.
    3. 1.2. Par respect envers chaque culture; le patrimoine doit être étudié dans son contexte culturel, par conséquent la valeur et le niveau d’authenticité ne sont pas déterminés par des critères universels.
    4. 1.3. La valeur d’un édifice historique n’est pas limitée à la perception que l’on a de celui-ci. Elle dépend de l’intégrité de toutes les parties qui le composent. Par conséquent la suppression de structures internes pour ne maintenir que les façades devra toujours être évitée.
    5. 1.4. Si des changements d’usage ou de fonction sont garants d’une meilleure conservation et de l’entretien du patrimoine, les exigences de la conservation et les conditions de sécurité doivent être soigneusement prises en compte.
    6. 1.5. La conservation ou la restauration des structures du patrimoine architectural n’est pas une fin en soi, c’est un moyen au service d’un objectif plus large: la pérennité de l’édifice dans sa globalité.
    7. 1.6 Les structures historiques, en raison de leur histoire souvent complexe, nécessitent la mise en œuvre d’études et de projets suivant des phases précises, comme dans la médecine: l’anamnèse, la thérapie et le contrôle. A chaque phase correspond la recherche appropriée pour la collecte des données et des informations pour identifier les causes des désordres, pour déterminer le choix des mesures à prendre, et pour contrôler ensuite leur efficacité. Afin que l’impact sur le patrimoine soit minimal il faut employer les ressources disponibles d’une manière rationnelle. Il est généralement nécessaires que ces étapes se succèdent dans un processus itératif.
    8. 1.7 Aucune action ne doit être entreprise sans avoir préalablement évalué les effets négatifs sur l’édifice historique, excepté dans le cas où des mesures urgentes de sauvegarde sont nécessaires pour empêcher un écroulement imminent de la structure (p.ex. après des dommages sismiques); néanmoins ces mesures ne doivent pas changer la structure d’une manière irréversible.
    1. RECHERCHE ET DIAGNOSTIC
    2. 2.1 En général une équipe pluri-disciplinaire, composé selon le type et l’échelle du problème, devrait être constitué dès la première phase de l’étude – comme dans le relevé préalable du site et dans la préparation du programme d’investigations.
    3. 2.2 Les données et les informations peuvent être étudiées une première fois d’une manière approximative afin d’établir un plan d’action approprié au problème réel de la structure.
    4. 2.3 Une compréhension claire de la typologie, du comportement, des performances des structures et des caractéristiques des matériaux est nécessaire dans l’exercice de la conservation. La connaissance de la conception originelle des structures, des techniques employées lors de la construction, des transformations, des phénomènes vécus, et de leur état actuel est essentielle.
    5. 2.4 Les structures des vestiges archéologiques posent des problèmes particuliers car elles nécessitent des interventions de stabilisation pendant les phases d’excavation quand la connaissance est encore incomplète. Le comportement structurel d’une construction en cours de fouille peut être complètement différent d’une construction exposée. Ainsi les projets d’interventions et les solutions adoptées peuvent être différents afin de ne pas compromettre l’aspect, l’apparence et l’usage de la construction.
    6. 2.5 La conservation des structures du patrimoine bâti requiert simultanément des analyses qualitatives et quantitatives. Les premières sont fondées sur l’observation directe des désordres et de la dégradation des matériaux. Elles s’appuient sur les recherches historiques et archéologiques. Les secondes concernent essentiellement les tests spécifiques, le suivi des données et l’analyse des structures
    7. 2.6 Avant de prendre une décision concernant une intervention sur des structures il est indispensable de déterminer les causes des désordres, et ensuite d’évaluer le niveau de sécurité de la structure.
    8. 2.7 L’évaluation du niveau de sécurité (qui est la dernière étape dans le diagnostic ou le besoin de traitements est effectivement déterminé) doit tenir compte des analyses quantitatives et qualitatives et de l’observation directe, des recherches historiques, de la modélisation mathématique le cas échéant et, en tant que besoin des résultats expérimentaux.
    9. 2.8. Le plus souvent l’application de coefficients de sécurité conçus pour les ouvrages neufs conduit à des mesures excessives, inapplicables pour les édifices anciens. Des analyses spécifiques devront alors justifier de la diminution des niveaux de sécurité.
    10. 2.9 Toutes les informations sur la documentation réunie, sur le diagnostic, sur l’évaluation de la sécurité et sur les propositions d’intervention doivent être consignées dans un rapport de présentation explicite.
  1. LES REMÈDES ET LE CONTRÔLE

3.1 La thérapie représente le champ des actions exercées sur les causes profondes des désordres, et non sur les symptômes.

3.2 La meilleure thérapie pour la conservation est l’entretien préventif.

3.3 La compréhension de la signification de la structure, et l’évaluation de son niveau de sécurité conditionnent les mesures de conservation et de renforcement.

3.4. Aucune action de doit être entreprise sans que son caractère indispensable n’ait été démontré.

3.5 Les interventions doivent être proportionnées aux objectifs de sécurité fixés et être maintenues au niveau minimal garantissant stabilité et durabilité avec le minimum d’effets négatifs sur la valeur du bien considéré.

3.6 La conception du projet d’intervention sera toujours fondée sur une bonne connaissance des causes des désordres et de la dégradation.

3.7 Le choix entre les techniques “traditionnelles” et les techniques “innovantes” doit être fait au cas par cas, en donnant la préférence aux techniques les moins envahissantes et les plus respectueuses des valeurs patrimoniales, tenant en compte les exigences de sécurité et de durabilité.

3.8. Parfois les difficultés rencontrées pour le contrôle des véritables niveaux de sécurité et les résultats positifs de l’intervention peuvent conduire à recourir à une démarche progressive, en commençant à un niveau minimum, et en adoptant ultérieurement une série des mesures supplémentaires ou correctives.

3.9 Les mesures choisies doivent être réversibles autant que possible, de telles sorte que, si de nouvelles connaissances le permettent, des mesures plus adéquates puissent être mises en oeuvre. Si les mesures ne peuvent être réversibles, on doit s’assurer que des interventions ultérieures puissent encore intervenir.

3.10 Tous les matériaux utilisés pour les travaux de restauration, particulièrement les nouveaux matériaux, doivent être testés de manière approfondie et apporter les preuves non seulement de leurs caractéristiques mais également de leur compatibilité avec les matériaux d’origine, afin d’éviter les effets secondaires non souhaitables.

3.11 Les qualités intrinsèques d’une structure et de son environnement, dans son état premier ou modifié à son avantage par l’histoire, doivent être conservées.

3.12 Chaque intervention doit autant que possible respecter le concept originel, les techniques et la valeur historique des états précédents de la structure et en laisser des traces reconnaissables pour l’avenir.

3.13 L’intervention doit être le résultat d’un projet d’ensemble intégré qui permettra de donner une échelle de valeurs aux éléments architecturaux, structuraux et fonctionnels.

3.14 La dépose ou l’altération de matériaux historiques ou de caractéristiques de l’architecture doivent être évités autant que possible.

3.15 On choisira toujours de réparer plutôt que de remplacer les parties détériorées des structures anciennes.

3.16 Les imperfections et altérations non réversibles devenues parties intégrantes de l’histoire de la structure doivent être maintenues lorsqu’elles ne compromettent pas les exigences de sécurité.

3.17 Le démontage et la reconstruction doivent être considérés comme des interventions exceptionnelles résultant de la nature des matériaux et de la structure, dans le cas où la conservation avec d’autre moyens est impossible ou nuisible.

3.18 Les mesures de sécurité employées lors des interventions doivent clairement montrer leur objectif et leur fonction, sans causer de dommages à la valeur de l’objet traité.

3.19 Chaque proposition d’intervention doit être accompagnée d’un programme de contrôle à mettre en œuvre, autant que possible, quand les travaux sont en cours d’exécution.

3.20 Les interventions qui ne peuvent faire l’objet de contrôle pendant leur exécution sont interdites.

3.21 Chaque intervention sur les structures doit être accompagnée de mesures de contrôle pendant sa mise en œuvre puis sur le long terme pour s’assurer de son efficacité.

3.22 Toutes activités de contrôle et de suivi doivent être documentées comme faisant partie de l’histoire de la structure.

 

ICOMOS PRINCIPES POUR LA PRESERVATION ET LA
CONSERVATION/RESTAURATION DES PEINTURES
MURALES (2003)

Adoptés par la 14ème Assemblée Générale de l’ICOMOS à Victoria Falls, Zimbabwe, Octobre 2003

Introduction et définition

Les peintures murales sont des expressions culturelles de la création humaine à travers l’histoire, depuis les origines, avec l’art rupestre, jusqu’aux œuvres d’art mural actuelles. Leur détérioration ou leur destruction, accidentelles ou intentionnelles, constituent une perte qui affectent une part importante du patrimoine culturel de l’humanité. La Charte de Venise (1964) pose les principes généraux de la conservation/restauration du patrimoine culturel. La Déclaration d’Amsterdam (1975), qui introduit la notion de conservation intégrée, et le Document de Nara sur l’authenticité (1994), qui aborde la diversité culturelle, complètent ces principes. Parallèlement à ces documents et des contributions complémentaires pertinentes telles que le code d’éthique ICOM-CC (1984), le Document de Pavie (1997) et les Règles Professionnelles de l’E.C.C.O. (1997), l’objectif du présent document est de fournir des principes plus spécifiques pour la protection, la préservation et la conservation/restauration des peintures murales. Le présent document met en exergue des pratiques et des principes de base universels et ne tient pas compte des questions spécifiques à des régions ou des pays qui peuvent être traitées au niveau régional ou national par des recommandations supplémentaires si cela s’avérait nécessaire.

La richesse des peintures murales repose sur la diversité des expressions culturelles, des réussites esthétiques et sur la variété des matériaux et des techniques utilisés depuis les temps anciens jusqu’à nos jours. Les articles suivants se réfèrent à des peintures créées sur des supports inorganiques, tels que le plâtre, la brique, l’argile ou la pierre, et excluent des peintures réalisées sur des supports organiques, tels que le bois, le papier ou la toile. Les matériaux composites utilisés dans de nombreux bâtiments historiques doivent recevoir un traitement particulier, hors du champ d’application du présent document. Les surfaces architecturales et les couches de finition, avec leur valeur historique, esthétique ou technique, doivent être considérées comme des composantes importantes des monuments historiques.

Les peintures murales font partie intégrante des monuments et des sites et doivent être préservées in situ. Nombre de problèmes affectant les peintures murales sont liés au mauvais état des bâtiments ou des structures, à leur mauvais usage, à l’absence d’entretien ou à de fréquentes réparations et modifications. De même que de fréquentes restaurations, des dégagements intempestifs et l’usage de méthodes et de matériaux inadaptés peuvent entraîner des dommages irréparables. Des pratiques et des qualifications professionnelles insuffisantes ou inadéquates ont conduit à des résultats fâcheux. C’est la raison pour laquelle, un document pertinent, définissant les principes corrects de conservation/restauration des peintures murales, s’avère indispensable.

Article 1 : Politique de protection intégrée

Une approche initiale et nécessaire de la protection des peintures murales, quelles que soient les cultures et les religions, exige que l’on dresse l’inventaire des monuments et des sites comportant des peintures murales, même lorsqu’elles ne sont pas visibles. Les lois et les réglementations qui régissent la protection du patrimoine culturel doivent interdire la destruction, la dégradation ou la modification des peintures murales et de leur environnement. La législation doit non seulement protéger les peintures murales, mais aussi mettre à la disposition des spécialistes des ressources pour la recherche, organiser le traitement et la surveillance professionnels et faire valoir leurs valeurs matérielles et immatérielles aux yeux du public. Si des interventions s’avèrent nécessaires, celles-ci doivent être entreprises en pleine connaissance et avec l’accord des autorités de tutelle. Des sanctions doivent être prévues pour toute violation des réglementations. De même que des dispositions doivent prendre en compte les nouvelles découvertes et leur préservation dans l’attente d’une protection officielle. Des projets d’aménagement urbains ou d’infrastructures, tels que la construction de routes, de barrages, la transformations de bâtiments, etc. qui affecteraient des peintures murales, ne doivent pas être entrepris sans réaliser une étude d’impact préalable et sans prévoir des dispositions adéquates de sauvegarde.

Des efforts particuliers doivent être fournis, avec la coopération de différentes autorités, pour intégrer et respecter la fonction cultuelle des peintures religieuses sans compromettre leur authenticité.

Article 2 : Investigation

Tout projet de conservation doit commencer par de rigoureuses investigations scientifiques.L’objectif est de rassembler autant d’informations que possible sur la composition de lastructure et les différentes couches superposées et d’évaluer leurs dimensions historiques,esthétiques et techniques. Doivent être englobés dans de telles études toutes les valeursmatérielles et immatérielles de la peinture, ainsi que les modifications, les ajouts et les restaurations historiques. Cela exige une approche pluridisciplinaire.

Les méthodes d’investigation doivent être autant que possible non-destructives. Une attention particulière doit être accordée aux peintures murales qui pourraient êtredissimulées sous un lait de chaux, des couches de peinture, du plâtre, etc. Les préalables àtout programme de conservation sont l’investigation scientifique des mécanismes de macro- et micro-dégradations, l’analyse de matériau et le diagnostic de l’état.

Article 3 : Documentation

En accord avec la Charte de Venise, la conservation/restauration de peintures murales doit être accompagnée d’un programme défini de documentation sous la forme d’un rapport analytique et critique, comportant des illustrations : dessins, relevés, photographies, cartographies, etc. L’état des peintures, les caractéristiques techniques et formelles relevant du processus de la création et de l’histoire de l’objet doivent être connus. De plus, chaque étape de la conservation et de la restauration, chaque matériel et chaque méthode utilisés doivent être consignés. Ce rapport doit être conservé dans les archives d’une institution publique et mis à la disposition du public intéressé. Des copies de ces documents doivent aussi être conservées sur place ou confiés à la garde des responsables du monument. Il est également recommandé que les résultats des travaux soient publiés. Les documents doivent être classés par chapitres identifiables, par exemple investigation, diagnostic et traitement. Les supports traditionnels écrits et graphiques peuvent être complétés par des documents numérisés. Quelle que soit la technique utilisée, la permanence de ces archives et leur disponibilité future est toutefois de la plus haute importance.

Article 4 : Conservation préventive, entretien et gestion de site

L’objectif de la conservation préventive est de créer des conditions favorables pour limiter le délabrement et éviter le recours à des traitements curatifs inutiles afin de prolonger la durée de vie des peintures murales. Une surveillance compétente et le contrôle de l’environnement sont tous deux des composantes essentielles de la conservation préventive. Des conditions climatiques défavorables et des problèmes d’humidité peuvent provoquer des détériorations et des attaques biologiques. Grâce à la surveillance, les premiers symptômes de délabrement de la peinture ou de la structure du support sont détectés, permettant ainsi d’éviter l’extension des dommages. Une déformation ou une défaillance de la structure, conduisant à de possibles effondrements, peuvent être détectés à un stade précoce. L’entretien régulier du bâtiment ou de la structure est la meilleure garantie pour la sauvegarde des peintures murales.

Les usages publics inappropriés et incontrôlés des monuments et des sites comportant des peintures murales peuvent engendrer des dommages à ces dernières. Cela peut impliquer une limitation des visites et, dans certains cas, la fermeture temporaire au public. Il est toutefois préférable que le public ait la possibilité de connaître et d’apprécier des peintures murales qui font partie du patrimoine culturel commun. Par conséquent, il convient d’intégrer à la gestion des sites un aménagement adapté de l’accès et de l’usage des lieux, afin de préserver, autant que possible, les valeurs authentiques matérielles et immatérielles des monuments et des sites.

Pour diverses raisons sociologiques, idéologiques et économiques, de nombreuses peintures murales, souvent situées dans des lieux isolés, sont victimes de vandalisme et de vols. Dans ces cas-là, les autorités doivent prendre des mesures préventives particulières.

Article 5 : Conservation et restauration

Les peintures murales sont une partie intégrante du bâtiment ou de la structure. En conséquence, leur conservation doit être envisagée en même temps que la structure de l’entité architecturale et leur environment. Toute intervention sur le monument doit prendre en compte le caractère spécifique des peintures murales et les conditions de leur préservation. Toutes les interventions, telles que la consolidation, le nettoyage et la réintégration, doivent être réduits au niveau minimum nécessaire permettant d’éviter toute disparition de matériel et toute diminution d’authenticité picturale. Partout où cela est possible, des échantillons de couches stratigraphiques attestant l’histoire des peintures doivent être préservés, de préférence in situ.

Le vieillissement naturel est un témoignage du temps et doit être respecté. Les transformations chimiques et physiques irréversibles doivent être préservées s’il est nuisible de les oter. Les restaurations précédentes, les ajouts et les couches picturales recouvrant des couches plus anciennes font partie de l’histoire des peintures murales. Ils doivent être considérés comme des témoins des interprétations et évalués de façon critique.

Toutes les méthodes et tous les matériaux utilisés dans la conservation et la restauration des peintures murales doivent prendre en compte l’éventualité de futurs traitements. L’utilisation de nouveaux matériaux et de nouvelles méthodes doit être basée sur des données scientifiques détaillées et des résultats d’essais concluants en laboratoire et sur site. Toutefois, on doit garder à l’esprit que les effets à long terme de nouveaux matériaux et de nouvelles méthodes sur les peintures murales sont inconnus et peuvent être dommageables. Par conséquent, l’utilisation de matériaux traditionnels, compatibles avec les composantes de la peinture et la structure environnante, doit être encouragée.

L’objectif d’une restauration est d’améliorer la lisibilité de la forme et du contenu des peintures murales tout en respectant la création originale et son histoire. La réintégration esthétique contribue à réduire la visibilité des dommages et doit d’abord être testée sur un matériel qui ne soit pas d’origine. Les retouches et les restitutions doivent être discernables de l’original. Tous les rajouts doivent être facilement reversibles. Trop de repeint doit être évité.

Le dégagement de couches picturales exige le respect de la situation historique et doit tenir compte de l’évaluation des pertes éventuelles. Cette opération ne devrait être effectuée qu’après étude préliminaire de leur état, de leur importance et de leur valeur et, lorsque cela est possible, sans provoquer de dommages. Les peintures récemment mises au jour ne doivent pas être exposées à des conditions défavorables.

Dans certains cas, la reconstitution de peintures murales décoratives ou de surfaces architecturales colorées fait partie d’un programme de conservation et de restauration. Cela suppose la conservation des fragments authentiques et pourrait impliquer leur recouvrement complet ou partiel par des couches protectrices. Une reconstitution bien documentée et exécutée de manière professionnelle, à l’aide de matériaux et de techniques traditionnels, témoigne de l’apparence historique de façades et de décors intérieurs.

Une direction compétente doit rester vigilante durant toutes les phases du projet de conservation/restauration et doit recevoir l’approbation des autorités compétentes. Il serait souhaitable qu’un contrôle indépendant du projet soit assuré par des autorités ou des institutions compétentes, libres de tout intérêt commercial dans le résultat final de l’opération. Les responsables des décisions de gestion doivent être nommés et les travaux doivent être mis en œuvre par des professionnels possédant des qualifications et des compétences adéquates.

Article 6: Mesures d’urgence

Dans les cas d’urgence, des mesures immédiates de sauvetage sont nécessaires pour sauvegarder des peintures murales. Les matériaux et les techniques utilisés doivent permettre un traitement ultérieur. Des mesures de conservation appropriées doivent être entreprises aussi vite que possible avec la permission des autorités compétentes.

La dépose et le transfert sont des opérations radicales, irréversibles et dangereuses qui affectent sévèrement la composition physique, la structure matérielle et les caractéristiques esthétiques des peintures murales. Ces opérations ne sont par conséquent justifiables que dans des cas extrêmes, lorsque aucune solution de traitement in situ n’est possible. Dans de telles circonstances, la décision de dépose et de transfert doit toujours être prise par une équipe de professionnels plutôt que par la personne chargée d’effectuer le travail de conservation. Les peintures déposées doivent être recollées à leurs emplacements d’origine dans la mesure du possible.

Des mesures spéciales doivent être prises pour la protection et l’entretien des peintures détachées de leur support d’origine, ainsi que pour la prévention des vols et la dispersion des œuvres.

L’application d’une couche de recouvrement dissimulant un décor existant, dans l’intention de prévenir des dommages ou la destruction par l’exposition à un environnement inhospitalier, doit être exécutée avec des matériaux compatibles avec les peintures murales et d’une manière qui permettra leur restitution ultérieure.

Article 7 : Recherche et information du public

La création de projets de recherche dans le domaine de la conservation/restauration des peintures murales est une condition essentielle à l’élaboration d’une politique de préservation durable. La recherche sur des questions susceptibles de compléter nos connaissances sur les processus de dégradation doit être encouragée. La recherche qui étendra nos connaissances sur les techniques de peintures originales, ainsi que sur les méthodes et les matériaux utilisés dans les restaurations anciennes est essentielle pour la mise en œuvre de projets de conservation adéquats. Cette recherche est également pertinente pour les disciplines connexes des arts et des sciences. Il convient de réduire au minimum les perturbations causées aux matériaux qui serviront à l’étude ou à l’obtention d’échantillons.

La diffusion de la connaissance est une caractéristique importante de la recherche, et devra être faite à destination de la communauté scientifique autant que du grand public. L’information du public contribue considérablement à la prise de conscience de la nécessité de préserver les peintures murales, même si les travaux de conservation/restauration peuvent causer des désagréments temporaires.

Article 8 : Qualifications et formation professionnels

La conservation/restauration de peintures murales est une discipline spécialisée appartenant au domaine de la préservation du patrimoine. Ces travaux exigent des connaissances, des compétences et des savoirs-faire particuliers, de sorte que les conservateurs-restaurateurs de ces biens culturels doivent recevoir une éducation et une formation professionnelle comme le recommandent le Code d’éthique du Comité conservation de l’ICOM (1984) et les associations telles que E.C.C.O. (European Confederation of Conservator-Restorers’ Organisations) et ENCoRE (European Network for Conservation-Restoration Education).

Article 9: Traditions de rénovation

Dans quelques régions du monde, les pratiques authentiques des artistes et des artisans se poursuivent par la reproduction de programmes iconographiques et de décors historiques utilisant des techniques et des matériaux traditionnels. Ces traditions, qui répondent à des exigences religieuses et culturelles et s’en tiennent aux principes de Nara, doivent être maintenues. Des savoir-faire traditionnels en matière de peintures sont également des conditions préalables pour la conservation/restauration. Cependant, bien qu’il soit important de préserver ces connaissances particulières, cela n’ implique pas que les traitements de conservation/restauration de peintures murales soient effectués par des artisans ou des artistes.

Article 10: Coopération internationale

Partager l’entretien d’un patrimoine commun est une notion acceptée au niveau national et international. Il est donc nécessaire d’encourager l’échange des connaissances et la diffusion des informations à tous les niveaux. Dans l’esprit d’une collaboration interdisciplinaire, les conservateurs – restaurateurs de peintures murales ont besoin de travailler en liaison avec leurs collègues d’autres pays et avec les institutions adéquates et les spécialistes du monde entier.

L’ébauche de ce document, sous sa forme actuelle, a été rédigée à Copenhague les 28 octobre – 1er novembre 2002, puis révisé et complété à Thessalonique le 8 et 9 mai 2003. Rapporteur : Isabelle Brajer

Participants

R.C. Agrawal (Inde) Valia Anapliotou (Grèce) Stefan Belishki (Bulgarie) Giorgio Bonsanti (Italie) Isabelle Brajer (Danemark)Marjan Buyle (Belgique) Jaime Cama Villafranca (Mexique) Nikolas Charkiolakis (Grèce) Rob Crèvecoeur (Pays Bas)Luigi Dei (Italie)Alberto Felici (Italie) Vaios Ganitis (Grèce) George Kavakas (Grèce) Haris Lionis (Grèce) Penelope Mavroudi (Grèce) Vassilis Petropoulos (Grèce) Michael Petzet (Allemagne)Ursula Schädler-Saub (Allemagne) Walter Schudel (Belgique) Nimal de Silva (Sri Lanka)Roland Silva (Sri Lanka)Kirsten Trampedach (Danemark) Ioannis Zervos (Grèce)

 

DIRECTIVES SUR L’EDUCATION ET LA FORMATION A LA CONSERVATION DES MONUMENTS, ENSEMBLES ET SITES (1993)

L’Assemblée générale du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), réunie à Colombo (Sri Lanka) lors de sa dixième session, du 30 juillet au 7 août 1993 :

Considérant l’étendue de la notion du patrimoine recouvert sous l’expression monuments, ensembles et sites ;

Considérant la grande diversité des actions et interventions imposées par la conservation de ce patrimoine et la nécessité de les encadrer dans une discipline commune ;

Constatant qu’un grand nombre de professions différentes doivent collaborer dans le cadre d’une discipline commune de la conservation, ce qui nécessite une éducation et une formation adéquate en vue de garantir une bonne communication et une action coordonnée dans les interventions de conservation ;

Compte tenu de la Charte de Venise et de la doctrine de l’ICOMOS qui en découle et considérant la nécessité d’établir un document de référence pour les organisations et institutions qui se consacrent à la formation, et de contribuer à l’élaboration ainsi qu’à la définition de normes et de critères compatibles avec les exigences culturelles et techniques particulières à chaque communauté ou région ;

Adopte les directives suivantes, et Recommande leur diffusion pour information auprès des organisations, institutions et autorités concernées.

OBJET DES PRÉSENTES DIRECTIVES

1. L’objet de ce document est de contribuer à la définition de normes et de directives pour l’enseignement et la formation dans le domaine de la conservation des monuments, des ensembles et des sites définis comme patrimoine culturel par la Convention du patrimoine mondial de 1972. Ce patrimoine culturel comprend aussi bien les bâtiments historiques, les villes et sites historiques, que les sites archéologiques, les paysages historiques et culturels et les objets qui s’y trouvent. La question de leur conservation se pose aujourd’hui, et continuera de se poser à l’avenir, de façon cruciale.

CONSERVATION DU PATRIMOINE

  1. Il est généralement admis aujourd’hui que la conservation du patrimoine constitue une partie intégrante du développement culturel et environnemental. Toute stratégie de gestion soutenable d’un changement qui se veut respectueux du patrimoine culturel impose de prendre en compte la conservation dans les objectifs économiques et sociaux contemporains, notamment dans le tourisme.
  2. Le but de la conservation est de prolonger la vie du patrimoine culturel et, si possible, de clarifier les messages artistiques et culturels qu’il contient sans en altérer l’authenticité et la signification. La conservation est une activité culturelle, artistique, technique et artisanale fondée sur des études humanistes et scientifiques ainsi que sur une recherche systématique. La conservation doit donc tenir compte du contexte culturel dans lequel elle s’inscrit.

NÉCESSITÉ D’UN ENSEIGNEMENT ET D’UNE FORMATION ADAPTÉS

4. Il est nécessaire d’avoir une approche globale de notre patrimoine sur la base d’un pluralisme et d’une diversité culturels qui doivent être pris en compte par les professionnels, les artisans et les décideurs. La conservation requiert une capacité d’observation, d’analyse et de synthèse. Le professionnel de la conservation devrait avoir une approche souple et pragmatique fondée sur une conscience culturelle qui devrait se refléter dans son travail pratique, sa formation, son éducation par un jugement sain et un sens de la mesure allié à la compréhension des besoins de la communauté. De plus, le caractère interdisciplinaire de cette activité requiert de nombreuses qualifications professionnelles et artisanales.

5. Les interventions en conservation devraient être confiées seulement à des personnes compétentes pour exercer ces activités spécialisées. L’enseignement et la formation en conservation devraient former une catégorie de professionnels capables de :

a) lire un monument, un ensemble ou un site et identifier sa signification symbolique, culturelle ainsi que sa fonction ;

b) comprendre l’histoire et la technologie des monuments, des ensembles ou des sites afin de définir leur identité, d’interpréter les résultats d’une telle recherche et de trouver les moyens adéquats de les conserver ;

c) comprendre le contexte et l’environnement d’un monument, d’un ensemble ou d’un site, et notamment sa relation avec d’autres bâtiments, des jardins ou des paysages ;

d) rechercher et analyser toutes les sources d’informations disponibles en ce qui concerne le monument, l’ensemble ou le site étudié ;

e) comprendre et analyser le comportement des monuments, ensembles et sites en tant que systèmes complexes ;

f) apprendre à faire un diagnostic sur les causes intrinsèques et extrinsèques de dégradation en vue de mettre en oeuvre les actions de sauvegarde appropriées ;

g) faire l’inspection d’un monument, d’un ensemble ou d’un site, rédiger des rapports accessibles aux non spécialistes, illustrés par divers moyens tels les esquisses, les relevés et les photographies ;

h) connaître, comprendre et appliquer les conventions et recommandations de l’Unesco, les chartes, les règlements et directives adoptés par l’ICOMOS ou d’autres organismes ;

i) exprimer des jugements équilibrés fondés sur des principes éthiques reconnus et s’engager à maintenir en bon état, à long terme, le patrimoine ;

j) savoir reconnaître à quel moment il est nécessaire de demander des conseils et définir le travail qui doit être fait par les différents spécialistes, par exemple dans le cas de peintures murales, de sculptures et d’objets à valeur artistique et historique et dans le cas d’études des matériaux et des systèmes ;

k) donner un avis d’expert sur les stratégies d’entretien, les politiques de gestion et le cadre d’intervention pour la protection et la préservation des sites et des monuments, de leur contenu et de leur environnement ;

l) établir une documentation sur les travaux exécutés, et la rendre accessible ;

m)travailler dans des groupes multidisciplinaires et appliquer des méthodes reconnues ;

n) travailler avec les habitants, les autorités responsables et les gestionnaires afin de résoudre les conflits et d’élaborer des stratégies de conservation adaptées aux besoins, capacités et ressources locales.

OBJECTIFS DES COURS

  1. Il est nécessaire de transmettre l’esprit, la démarche et le savoir en matière de conservation à tous ceux qui interviennent directement ou indirectement sur le patrimoine culturel.
  2. La pratique de la conservation est interdisciplinaire; il en résulte que les cours doivent également avoir un caractère pluridisciplinaire. Les professionnels, à savoir les universitaires et les artisans spécialisés, qui disposent déjà d’une qualification professionnelle, vont avoir besoin d’une formation supplémentaire afin de devenir de

véritables spécialistes en conservation. Il en va de même pour ceux qui s’efforcent d’intervenir avec compétence sur l’environnement historique.

  1. Les spécialistes de la conservation ont le devoir de s’assurer que tous les artisans et le personnel travaillant sur un monument, un ensemble ou un site respectent sa signification.
  2. La formation aux méthodes d’intervention et de réparation des dommages aux biens culturels en cas de catastrophe, tel que le renforcement et l’amélioration des moyens de prévention des incendies et des autres mesures de sécurité, doit faire partie des programmes des cours de conservation.
  3. Les métiers traditionnels constituent un patrimoine culturel de grande valeur. Les artisans qui ont déjà un niveau élevé d’habilité manuelle, devraient être formés au travail de conservation, et recevoir un enseignement portant sur les grands traits culturels de chaque époque, l’histoire de leur métier, la théorie et la pratique de la conservation, appuyée sur une documentation. De nombreuses spécialités historiques devront être répertoriées et réhabilitées.

ORGANISATION DE L’ENSEIGNEMENT ET DE LA FORMATION

  1. Il existe plusieurs méthodes pour parvenir à mettre en place un enseignement et une formation satisfaisantes en conservation. Les variantes dépendront des traditions et des législations ainsi que du contexte administratif et économique de chaque région culturelle. Les échanges actifs d’idées et d’opinions entre les différents instituts d’un même pays et à des niveaux internationaux sur les nouvelles approches de l’éducation et de la formation devraient être encouragés. L’existence d’un réseau de collaboration formé d’individus et d’institutions est essentielle au succès de ces échanges.
  2. L’enseignement et la sensibilisation à la conservation devraient débuter à l’école, se poursuivre à l’université et au delà du parcours scolaire et universitaire. Les institutions d’enseignement jouent un rôle important en élevant les connaissances visuelles et culturelles, ce qui accroît la capacité de lire et de comprendre les éléments de notre patrimoine et donne la formation dont ont besoin les candidats à la spécialisation. L’apprentissage des techniques artisanales par le biais de stages pratiques devrait être encouragé.
  3. Des cours de perfectionnement professionnel continu peuvent compléter l’éducation initiale et la formation de professionnels. Les cours à temps partiel se déroulant sur une longue durée constituent une méthode efficace pour l’enseignement de haut niveau. Ils sont très utiles notamment dans les très grandes villes. Des cours de brève durée peuvent aussi contribuer à élargir les modes de pensée, mais ils ne sauraient transmettre les techniques ou une compréhension profonde de la conservation. Ils peuvent aider à l’introduction des concepts et techniques de conservation dans la gestion de l’environnement bâti et naturel et des objets qui s’y trouvent.
  4. Les participants à ces cours spécialisés devraient être d’un niveau élevé, avoir en principe reçu une éducation et une formation appropriées et disposer d’une expérience professionnelle pratique. Les cours pour spécialistes devraient être pluridisciplinaires avec des matières de base pour tous les participants et des matières à options pour développer les aptitudes et/ou combler les vides dans l’éducation et la formation reçue auparavant. Pour compléter l’éducation et la formation du professionnel de la conservation, un stage est recommandé pour donner une expérience pratique.
  5. Chaque pays ou chaque région devrait être encouragé à créer au moins un institut à vocation large, destiné à délivrer une éducation, une formation et des cours spécialisés. Il peut falloir plusieurs décennies pour mettre en place un centre de conservation pleinement compétent. C’est pourquoi des mesures à court terme sont nécessaires, notamment celles qui consistent à prendre l’initiative de développer des programmes entièrement nouveaux à partir des programmes existants. Les échanges d’enseignants, d’experts et d’étudiants au niveau national, régional et international devraient être encouragés. L’évaluation périodique des programmes de formation par les professionnels de la conservation est une nécessité absolue.

RESSOURCES

16. Les moyens nécessaires à la mise en place de ces cours spécialisés peuvent s’analyser ainsi :

a) un nombre adéquat de participants du niveau requis – une fourchette de 15 à 25 constituant la situation idéale ;

b) un coordonnateur à plein-temps, avec un soutien administratif suffisant ;

c) des enseignants avec de bonnes connaissances théoriques, une expérience pratique de la conservation et une bonne pédagogie ;

d) des équipements complets, avec une salle de conférence, du matériel audiovisuel, vidéo, etc., des studios, des laboratoires, des ateliers, des salles de réunion et des bureaux pour le personnel ;

e) un centre de documentation et une bibliothèque offrant les ouvrages de référence, des facilités pour une recherche systématique, et un accès aux réseaux informatisés ;

f) un éventail de monuments, ensembles et sites accessibles à proximité.

  1. La conservation des biens culturels ne peut se faire sans une documentation permettant la compréhension des monuments, des ensembles ou des sites et de leur contexte spécifique et signification. Chaque pays devrait avoir un institut de recherches et d’archivage pour répertorier son patrimoine culturel et tous les travaux de conservation relatifs à ce patrimoine. Les cours devraient fonctionner en coopération avec ces instituts.
  2. Les frais d’inscription ou de scolarité pour des participants déjà en milieu de carrière, exerçant des responsabilités, peuvent nécessiter des financements spéciaux.

 

DOCUMENT NARA SUR L’AUTHENTICITÉ (1994)

PRÉAMBULE

  1. Nous, experts réunis à Nara (Japon), tenons à saluer la générosité et la vision intellectuelle des autorités japonaises qui nous ont ménagé l’opportunité d’une rencontre destinée à mettre en question des notions devenues traditionnelles en matière de conservation du patrimoine culturel et à instaurer un débat sur les voies et moyens d’élargir les horizons dans la perspective d’assurer un plus grand respect, de la diversité des cultures et des patrimoines dans la pratique de la conservation.
  2. Nous avons apprécié à sa juste valeur le cadre de discussion proposé par le Comité du Patrimoine mondial. Celui-ci s’est déclaré désireux de mettre en application, lors de l’examen des dossiers d’inscription qui lui sont soumis, un concept d’authenticité respectueux des valeurs culturelles et sociales de tous les pays.
  3. Le ” Document de Nara sur l’authenticité ” est conçu dans l’esprit de la ” Charte de Venise, 1964 “. Fondé sur cette charte, il en constitue un prolongement conceptuel. Il prend acte de la place essentielle qu’occupe aujourd’hui, dans presque toutes les sociétés, le patrimoine culturel.
  4. Dans un monde en proie aux forces de globalisation et de banalisation et au sein duquel la revendication de l’identité culturelle s’exprime parfois au travers d’un nationalisme agressif et de l’élimination des cultures minoritaires, la contribution première de la prise en compte de l’authenticité consiste, aussi dans la conservation du patrimoine culturel, à respecter et mettre en lumière toutes les facettes de la mémoire collective de l’humanité.

DIVERSITÉ CULTURELLE ET DIVERSITÉ DU PATRIMOINE

  1. La diversité des cultures et du patrimoine culturel constitue une richesse intellectuelle et spirituelle irremplaçable pour toute l’humanité. Elle doit être reconnue comme un aspect essentiel de son développement. Non seulement sa protection, mais aussi sa promotion, demeurent des facteurs fondamentaux du développement de l’humanité.
  2. Cette diversité s’exprime aussi bien dans une dimension spatiale que temporelle tant pour les cultures que pour les modes de vie qui leur sont liés. Dans le cas où les différences entre cultures seraient à l’origine de situations conflictuelles, le respect de la diversité culturelle requiert la reconnaissance de la légitimité des valeurs spécifiques de toutes les parties en cause.
  3. Les cultures et les sociétés s’expriment dans des formes et des modalités d’expression, tant tangibles que non tangibles, qui constituent leur patrimoine. Ces formes et modalités doivent être respectées.
  4. Il importe de rappeler que l’UNESCO considère comme principe fondamental le fait que le patrimoine culturel de chacun est le patrimoine culturel de tous. De la sorte, les responsabilités sur le patrimoine, et sur la manière de le gérer appartiennent en à la charge. Toutefois, l’adhésion aux chartes et aux conventions relatives au patrimoine culturel implique l’acceptation des obligations et de l’éthique qui sont à la base de ces chartes et conventions. De ce fait, la pondération des propres exigences à l’égard d’un même patrimoine est hautement souhaitable, toutefois sans qu’elle ne contrevienne aux valeurs fondamentales des cultures de ces communautés.

VALEURS ET AUTHENTICITE

9. La conservation du patrimoine historique, sous toutes ses formes et de toutes les époques, trouve sa justification dans les valeurs qu’on attribue à ce patrimoine. La perception la plus exacte possible de ces valeurs dépend, entre autres, de la crédibilité des sources d’information à leur sujet. Leur connaissance, leur compréhension et leur interprétation par rapport aux caractéristiques originelles et subséquentes du patrimoine, à son devenir historique ainsi qu’à sa signification, fondent le jugement d’authenticité concernant l’œuvre en cause et concerne tout autant la forme que la matière des biens concernés.

  1. L’authenticité, telle qu’elle est ainsi considérée et affirmées dans la ” Charte de Venise “, apparaît comme le facteur qualificatif essentiel quant à la crédibilité des sources d’informations disponibles. Son rôle est capital aussi bien dans toute étude scientifique, intervention de conservation ou de restauration que dans la procédure d’inscription sur la Liste du Patrimoine Mondial ou dans tout autre inventaire du patrimoine culturel.
  2. Tant les jugements sur les valeurs reconnues au patrimoine que sur les facteurs de crédibilité des sources d’information peuvent différer de culture à culture, et même au sein d’une même culture. Il est donc exclu que les jugements de valeur et d’authenticité qui se rapportent à celles-ci se basent sur des critères uniques. Au contraire, le respect dû à ces cultures exige que chaque oeuvre soit considérée et jugée par rapport aux critères qui caractérisent le contexte culturel auquel elle appartient.
  3. En conséquence, il est de la plus haute importance et urgence que soient reconnues, dans chaque culture, les caractères spécifiques se rapportant aux valeurs de son patrimoine, ainsi qu’à la crédibilité et la fiabilité des sources d’information qui le concernent.
  4. Dépendant de la nature du monument ou du site et de son contexte culturel, le jugement sur l’authenticité est lié à une variété de sources d’informations. Ces dernières comprennent conception et forme, matériaux et substance, usage et fonction, tradition et techniques, situation et emplacement, esprit et expression, état original et devenir historique. Ces sources sont internes à l’oeuvre ou elles lui sont externes. L’utilisation de ces sources offre la possibilité de décrire le patrimoine culturel dans ses dimensions spécifiques sur les plans artistique, technique, historique et social.

ANNEXE 1

Suggestions pour les suites à donner au Document (proposées par H. Stovel)

  1. Le respect de la diversité des cultures et des patrimoines exige un effort soutenu pour éviter qu’on impose des formules mécaniques ou des procédures uniformisées lorsqu’on tente de définir et d’évaluer l’authenticité d’un monument ou d’un site.
  2. L’appréciation de l’authenticité en respectant les cultures et la diversité du patrimoine demande une approche qui encourage les cultures à se doter de méthodes d’ “analyse et d’instruments qui reflètent leur nature et leurs besoins. De telles approches peuvent avoir plusieurs points communs dont les efforts nécessaires pour :
  • S’assurer que l’évaluation de l’authenticité engage une collaboration multidisciplinaires et la contribution adéquate de toutes les expertises et connaissances disponibles ;
  • S’assurer que les valeurs reconnues soient vraiment représentatives d’une culture et de la diversité de ses préoccupations, notamment envers les monuments et les sites ;
  • Documenter clairement la nature spécifique de l’authenticité des monuments et des sites pour constituer un guide qui serve à leur traitement et au suivi ;
  • Actualiser les appréciations du degré d’authenticité à la lumière de l’évolution des valeurs et du contexte.

3. Il est particulièrement important de faire l’effort pour s’assurer qu’on représente les valeurs reconnues et que le processus de leur identification comprenne des actions pour développer, dans la mesure du possible, un consensus multidisciplinaire et communautaire à leur endroit.

4. Les démarches devraient reposer sur la coopération internationale parmi tous ceux et celles qui s’intéressent à la conservation du patrimoine culturel et contribuer à cette coopération afin d’accroître le respect universel et la compréhension de la diversité des valeurs et des expressions culturelles.

  1. La poursuite de ce dialogue et son extension dans les différentes régions et cultures du monde constituent un pré requis pour augmenter la valeur pratique de l’attention qu’on porte à l’authenticité dans la conservation du patrimoine commun de l’humanité.
  2. La sensibilisation accrue du public à cette dimension du patrimoine est absolument nécessaire pour arriver à des mesures concrètes qui permettent de sauvegarder les témoignages du passé. Cela signifie que l’on développe une plus grande compréhension de valeurs que représentent, en soi, les biens culturels autant que de respecter le rôle que jouent des monuments et sites dans la société contemporaine.

ANNEXE 2

Définitions

Conservation : comprend toutes les opérations qui visent à comprendre une oeuvre, à connaître son histoire et sa signification, à assurer sa sauvegarde matérielle et, éventuellement sa restauration et sa mise en valeur. (Le patrimoine culturel comprend les monuments, les ensembles bâtis et les sites tels que les définit l’article 1 de la Convention du patrimoine mondial).

Sources d’information : ensemble des sources monumentales, écrites, orales, figurées permettant de connaître la nature, les spécificités, la signification et l’histoire d’une œuvre.

Le Document de Nara sur l’Authenticité a été rédigé par 45 participants à la Conférence de Nara sur l’Authenticité dans le cadre de la Convention du Patrimoine Mondial, tenue à Nara, Japon,1-6 novembre 1994, sur l’invitation de la Direction des Affaires Culturelles du Gouvernement Japonais et la Préfecture de Nara. La Direction organisa la Conférence de Nara en coopération avec l’UNESCO, l’ICCROM et l’ICOMOS. Cette version finale du Document de Nara a été rédigée par les deux rapporteurs généraux de la Conférence, M. Raymond Lemaire et M. Herb Stovel.

 

PRINCIPES POUR L’ETABLISSEMENT D’ARCHIVES
DOCUMENTAIRES DES MONUMENTS, DES ENSEMBLES
ARCHITECTURAUX ET DES SITES (1996)

Ratifié par la 11e Assemblée Générale de l’ICOMOS à Sofia, octobre 1996.

Considérant que le patrimoine culturel est une expression exceptionnelle de l’œuvre de l’Homme, et

Considérant que ce patrimoine culturel est sans cesse menacé, et

Considérant que la constitution d’archives documentaires est l’un des principaux moyens pour définir le sens et permettre la compréhension, l’identification et la reconnaissance des valeurs du patrimoine culturel, et

Considérant que la responsabilité de la conservation et de la protection de ce patrimoine culturel incombe non seulement aux propriétaires de celui-ci, mais également aux spécialistes de la conservation, aux professionnels, aux responsables politiques et administratifs intervenant à tous les niveaux des pouvoirs publics, ainsi qu’au public, et

Considérant l’article 16 de la Charte de Venise, il est essentiel que les organismes et les particuliers compétents participent à l’enregistrement des caractéristiques du patrimoine culturel.

L’objet de ce document est donc d’expliquer les motifs principaux, les responsabilités, les principes d’organisation, le contenu, les principes de classement et de répartition de l’enregistrement documentaire du patrimoine culturel.

DÉFINITION DES TERMES UTILISÉS DANS CE DOCUMENT :

Patrimoine culturel désigne des monuments, des ensembles architecturaux et des sites dotés d’une valeur patrimoniale, constituant l’environnement historique du bâti.

L’enregistrement documentaire est la collecte des informations qui décrivent la configuration physique, l’état et l’usage des monuments, des ensembles architecturaux et des sites, à des moments précis, et constitue un élément essentiel du processus de leur conservation.

Les archives documentaires des monuments, ensembles architecturaux et sites peuvent inclure des témoignages tant matériels qu’immatériels, et constituent une part de la documentation qui peut contribuer à la compréhension du patrimoine et des valeurs dont celui-ci est porteur.

LES MOTIFS DE L’ENREGISTREMENT DOCUMENTAIRE

1. L’enregistrement documentaire du patrimoine culturel est un acte essentiel, car il permet :

a) De faire progresser la connaissance et la compréhension du patrimoine culturel, de ses valeurs et de son évolution ;

b) De susciter l’intérêt et l’implication de tous pour la préservation du patrimoine grâce à la diffusion des informations enregistrées ;

c) D’assurer une gestion et un contrôle pertinents des travaux ou de toute modification concernant ce patrimoine culturel ;

d) De s’assurer que l’entretien et la préservation du patrimoine respectent ses caractéristiques physiques, ses matériaux, ses modes de construction et sa signification historique et culturelle.

2. L’enregistrement documentaire doit être entrepris à un niveau de précision permettant :

a) De fournir l’information nécessaire pour l’identification, la compréhension, l’interprétation et la présentation du patrimoine, et pour promouvoir l’implication du public en sa faveur ;

b) De fournir un enregistrement permanent de tous les monuments, ensembles architecturaux et sites qui peuvent être détruits au altérés de quelque manière que ce soit, ou du fait de risques naturels ou des activités humaines ;

c) De fournir l’information aux administrateurs et planificateurs aux niveaux national, régional ou local afin de permettre des politiques et des décisions adéquates dans les domaines de la planification et du contrôle du développement ;

d) De fournir l’information nécessaire pour la détermination d’un usage approprié et durable, et pour définir les mesures efficaces en matière de recherche, de gestion, de programmes de conservation et de travaux de construction.

3. L’enregistrement documentaire du patrimoine culturel doit être considéré comme une priorité et doit être entrepris notamment :

a) A partir des inventaires méthodologiques conduits aux niveaux national, régional ou local ;

b) En tant que partie intégrante de toute activité de recherche et de conservation ;

c) Avant, pendant et après toute campagne de réparation, de modification, ou toute autre intervention sur un élément patrimonial, et lorsque des témoins de son histoire sont mis au jour à l’occasion de tels travaux ;

d) En cas de démolition, de destruction, d’abandon ou de déplacement, en totalité ou en partie, ou lorsque le patrimoine est en danger du fait de facteurs extérieurs, humains ou naturels ;

e) A l’occasion ou à la suite d’un événement accidentel qui a porté atteinte au patrimoine culturel ;

f) Quand intervient un changement de l’usage, ou de la responsabilité de la gestion ou du contrôle.

RESPONSABILITE DE L’ENREGISTREMENT DOCUMENTAIRE

  1. L’engagement au niveau national pour conserver le patrimoine requiert un engagement équivalent en faveur du processus d’enregistrement documentaire.
  2. La complexité des processus d’enregistrement et d’interprétation requiert des individus avec une technicité, une connaissance et une conscience adéquates à la conduite coordonnée des tâches. Il peut être nécessaire de mettre en place des formations en ce sens.
  3. En particulier, le processus d’enregistrement documentaire peut associer en étroite collaboration des intervenants spécialisés : spécialistes en relevés du patrimoine, inspecteurs, conservateurs, architectes, ingénieurs, chercheurs, historiens de l’architectures, archéologues spécialement de la prospection de surface ou de la stratigraphie, et autres conseillers spécialisés.
  4. Tous les gestionnaires du patrimoine culturel sont responsables de la réalisation d’un enregistrement documentaire adéquat, de la qualité et de la mise à jour de la documentation.

ORGANISATION DE L’ENREGISTREMENT DOCUMENTAIRE

1. En amont de la constitution de toute nouvelle documentation, il convient de rechercher et d’évaluer toutes les sources existantes.

a) Les formes de documentation susceptibles de livrer de telles informations sont les fonds de relevés d’architecture, de dessins, de photographies, de rapports et descriptions publiés ou inédits, et tout document concernant les origines ou l’histoire de l’édifice, de l’ensemble architectural ou du site. Il est important de mener cette recherche dans la documentation tant récente qu’ancienne ;

b) La documentation existante doit être recherchée tant dans les archives publiques nationales ou locales, que dans les archives professionnelles, institutionnelles ou privées, dans des inventaires et des collections, dans des bibliothèques ou des musées ;

c) La documentation doit être recherchée en consultant les individus et les institutions qui ont possédé, occupé, relevé, construit, conservé ou étudié le monument, l’ensemble architectural ou le site ou qui en possèdent une connaissance particulière.

2. Découlant de cette recherche en amont, le choix de l’étendue appropriée, du niveau et des méthodes d’enregistrement documentaire implique :

a) Que les méthodes d’enregistrement et le type de documentation produite soient appropriées à la nature du patrimoine à traiter, à l’utilisation qui sera faite de cette documentation, au contexte culturel, enfin aux moyens financiers ou autres dont on dispose. La limitation de ces moyens peut nécessiter une approche progressive par phases de l’enregistrement documentaire. De telles méthodes peuvent inclure la description et l’analyse écrites, la photographie (aérienne et terrestre), la photographie rectifiée, la photogrammétrie, l’étude géologique, la cartographie, les relevés métrés, les dessins et croquis , les copies ou le recours à d’autres technologies traditionnelles ou modernes ;

b) Que les méthodes d’enregistrement utilisent, dans toute la mesure du possible, des techniques non agressives et ne portent aucune atteinte à l’objet à étudier ;

c) Que soient clairement définis un objectif en fonction du domaine étudié, et une méthode d’enregistrement documentaire appropriée ;

d) Que les matériaux utilisés pour constituer la documentation définitive résistent durablement à l’archivage.

CONTENU DES ARCHIVES DOCUMENTAIRES

1. Toute documentation doit être identifiée par : a) Le nom de l’édifice, de l’ensemble architectural ou du site ; b) Un numéro de référence unique ; c) La date d’établissement de la documentation ; d) Le nom de l’organisme responsable de l’enregistrement ; e) Le renvoi à la documentation et aux rapports relatifs à la constructions, aux

documents photographiques, graphiques, textuels ou bibliographiques, à la documentation concernant l’archéologie et le milieu ambiant.

  1. La localisation et l’emprise du monument, de l’ensemble architectural ou du site doivent être indiquées avec précision ; elles peuvent être établies par un description, des cartes, des plans ou des photographies aériennes. En secteur rural, les références cartographiques ou une triangulation à partir de points connus peuvent constituer les seules méthodes valables. En secteur urbain, une adresse ou l’indication de la rue peut suffire
  2. Dans la nouvelle documentation doivent être précisées les sources de toute information qui ne ressort pas directement de l’étude du monument, de l’ensemble architectural ou du site.
  3. La documentation doit comprendre, selon le cas, tout ou partie des informations suivantes :

a) Le type, la forme et les dimensions de l’édifice, de l’ensemble architectural ou du site ;

b) Les caractéristiques intérieures et extérieures, selon le cas, du monument, de l’ensemble

c) Architectural ou du site ;

d) La nature, la qualité, l’intérêt culturel, artistique et scientifique de l’élément patrimonial et de ses diverses parties constituantes, ainsi que l’intérêt culturel, artistique et scientifique :

des matériaux, parties constituantes, constructions, décoration, ornements ou inscriptions,
des fonctions, équipements et machineries,
des structures auxiliaires, des jardins, du paysage et des caractéristiques culturelles, topographiques et naturelles du site ;

e) La technologie traditionnelle et moderne et les savoir-faire utilisés dans la construction et l’entretien ;

f) Toute indication permettant d’établir la datation de la construction originelle et son évolution ultérieure, le projet initial et son auteur, son propriétaire, son usage et sa décoration ;

g) Toute indication permettant d’établir l’histoire de son utilisation, des événements qui lui sont liés, des modifications de la structure ou de décor, et les effets de contraintes extérieures, humaines ou naturelles ;

h) L’histoire de sa gestion, de son entretien et de ses réparations ;

i) Des éléments ou échantillons représentatifs des procédés constructifs ou des matériaux locaux ;

j) Une étude de l’état de l’élément patrimonial ;

k) Une étude de la relation visuelle et fonctionnelle entre le monument et son environnement ;

l) Une étude des conflits ou menaces provenant de causes humaines ou naturelles, ou du fait de la pollution o de l’utilisation des terrains environnants.

5. Selon le but poursuivi dans la constitution de la documentation (cf. supra section 1.2), le niveau du détail requis variera. Des réponses systématiques, même succinctes, apportées aux rubriques énumérées ci-dessus, constitueront dans tous les cas des renseignements précieux sur le plan local pour la bonne gestion de l’urbanisme et de la construction. Toutefois, le propriétaire de l’édifice ou du site devra disposer, pour assurer sa conservation, son entretien et sa gestion, d’un dossier plus détaillé.

GESTION ET REPARTITION DES ARCHIVES DOCUMENTAIRES

  1. L’exemplaire original de cette documentation doit être conservé dans des conditions de sécurité suffisantes pour assurer son intégrité et sa protection contre toute forme de dégradation, conformément aux normes internationales.
  2. Un double intégral de cette documentation doit être conservé en sûreté dans un emplacement différent.
  3. Des copies des ces archives documentaires doivent être accessibles aux autorités légales, et, dans des conditions appropriées, aux professionnels concernés et au public, à des fins de recherche, de contrôle de l’aménagement et pour tout autre processus administratif et juridique.
  4. Ces archives documentaires mises à jour devraient être facilement accessibles, si possible sur le site même, pour servir aux recherches sur le patrimoine, à sa gestion, à son entretien et à la réparation des sinistres.
  5. Ces archives documentaires devraient répondre à un format standardisé et, dans la mesure du possible, être indexées pour faciliter le traitement et la recherche de l’information aux niveaux local, national et international.
  6. L’établissement, la gestion et la répartition des informations enregistrées requièrent, partout où cela est possible, le recours réfléchi et approprié à la technologie contemporaine de traitement de l’information.

7. Le lieu de consultation de ces archives documentaires doit être rendu public.

8. Une présentation des principaux résultats de toute collecte documentaire doit être diffusée et publiée selon les modalités appropriées.

 

DECLARATION OF ICOMOS
MARKING THE 50TH ANNIVERSARY
OF THE
UNIVERSAL DECLARATION OF HUMAN RIGHTS

Meeting in Stockholm, ICOMOS wishes to underline the importance of the Universal Declaration of Human Rights, celebrating its 50th anniversary in 1998, in particular its recognition of the right of everyone to partake freely in the cultural life of the community.

In addition to the importance of specific conventions or legislation relating to cultural heritage and its preservation, ICOMOS affirms that the right to cultural heritage is an integral part of human rights considering the irreplaceable nature of the tangible and intangible legacy it constitutes, and that it is threatened to in a world which is in constant transformation. This right carries duties and responsibilities for individuals and communities as well as for institutions and states. To protect this right today is to preserve the rights of future generations.

  • The right to have the authentic testimony of cultural heritage, respected as an expression of one’s cultural identity within the human family;
  • The right to better understand one’s heritage and that of others;
  • The right to wise and appropriate use of heritage;
  • The right to participate in decisions affecting heritage and the cultural values it embodies;
  • The right to form associations for the protection and promotion of cultural heritage.

These are rights ICOMOS believes must be respected in order to preserve and enrich World’s cultural diversity.

These rights assume the need to recognize, appreciate and maintain heritage, and to improve and respect a framework for action. They assume appropriate development strategies and an equitable partnership between society, the private sector and individuals to harmonize interests affecting cultural heritage, and to reconcile preservation with development. In the spirit that animates such statements, they call for international cooperation in the conventions, legislation and other statutory measures.

These are responsibilities that all – individually and collectively – must share just as all share the wealth of the memory, in the search for a sustainable development at the service of Mankind.

Stockholm, September 11th, 1998

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Ali DABBAGHI
Ali DABBAGHI

Ingénieur Général spécialiste des systèmes d'information et de communication, مهندس عام في نظم المعلومات والاتصالات General Engineer information and communication systems

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