Principes de conservation en Chine

Principes de conservation en Chine

PRINCIPES POUR LA CONSERVATION DES SITES PATRIMONIAUX EN CHINE

(traduction libre à partir de la version anglaise)

Préface

La Chine est un pays unifié comptant de nombreux groupes ethniques. C’est un vaste pays avec un long passé et une tradition culturelle ininterrompue. Le grand nombre de sites patrimoniaux encore existants présentent un historique vivant de la formation et du développement de la civilisation chinoise. Ils offrent matière à la compréhension de l’histoire de la Chine et un fondement pour le renforcement de l’unité nationale et la promotion du développement durable de la culture nationale.

La paix et le développement sont des thèmes centraux dans la société contemporaine. La compréhension mutuelle du patrimoine des uns et des autres alimente les échanges culturels entre les pays et les régions et contribue à la paix mondiale et au développement commun. Les magnifiques sites de la Chine ne sont pas seulement le patrimoine des divers groupes ethniques de la Chine mais sont aussi une richesse commune pour toute l’humanité; ils appartiennent non seulement à la génération actuelle mais encore davantage aux futures générations. Dès lors, c’est la responsabilité de tous de léguer ces sites aux générations futures dans toute leur intégrité et leur authenticité.

En Chine, l’élaboration d’une doctrine et d’une pratique modernes de la conservation du patrimoine a débuté dans les années 30. Depuis l’établissement de la République Populaire de Chine, le pays a assuré la conservation effective de nombreux sites qui étaient menacés de complète disparition et, dans le même temps, s’est dotée de théories et d’orientations pour la conservation qui correspondent aux nécessités nationales. Le gouvernement national a promulgué la Loi de la République Populaire de Chine sur la Protection des Reliques culturelles, ainsi qu’un ensemble de lois et des réglementations qui s’y rapportent. Les Principes pour la Conservation des Sites patrimoniaux en Chine ont été rédigés sur base de ces lois et réglementations, tout en se référant à la Charte Internationale pour la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites (Charte de Venise de 1964), le document le plus représentatif de principes internationaux à ce sujet. Les Principes pour la Conservation des Sites patrimoniaux en Chine donnent des orientations professionnelles, dans le cadre des lois et réglementations existantes concernant la conservation des sites patrimoniaux et offre une guidance pour la pratique de la conservation de ces sites, ainsi que les principaux critères pour l’évaluation des résultats d’une telle pratique. Ces Principes offrent aussi une explication professionnelle des articles des lois et règlements concernant la protection du patrimoine culturel et constituent la référence professionnelle dans les matières touchant aux sites patrimoniaux.

Chapitre un : Principes généraux

Article 1.

Les présents Principes offrent des orientations pour la pratique de conservation de tous les biens communément qualifiés de sites patrimoniaux. Les sites patrimoniaux sont les vestiges immeubles des créations de l’histoire humaine, porteurs d’une signification. Ils comprennent les sites archéologiques et les ruines, les tombes, l’architecture traditionnelle, les grottes sanctuaires, les pierres gravées, les sculptures, inscriptions, stèles et pétrographies, ainsi que les édifices modernes et contemporains, les lieux de mémoire et les secteurs historiques (villages et villes) avec leurs composantes historiques originales, qui ont été déclarés officiellement sites protégés.

Article 2.

L’objectif de ces Principes est d’assurer une bonne pratique de la conservation des sites patrimoniaux. La Conservation couvre toutes les mesures prises pour préserver les vestiges des sites et leur environnement historique. Le but de la conservation est de préserver l’authenticité de tous les éléments d’un site patrimonial dans son ensemble et de garder pour le futur l’information historique et toutes les valeurs dont il est porteur. Concrètement, la conservation comporte le traitement des dommages causés par le fait de la nature ou des actions humaines et la prévention de nouvelles détériorations, par le recours à des mesures techniques ou de gestion. Toutes les mesures de conservation doivent respecter le principe de non altération du donné historique.

Article 3.

Les valeurs patrimoniales d’un site comprennent ses valeurs historiques, artistiques et scientifiques.

Article 4.

Les sites patrimoniaux doivent faire l’objet d’un usage rationnel, dans l’intérêt de la société. Les valeurs d’un site ne peuvent en aucun cas être affectées par un usage visant un gain à court terme.

Article 5.

Il est nécessaire de mettre en œuvre la conservation en suivant un processus séquentiel. Chaque étape de ce processus doit se conformer aux lois et règlements et observer les normes professionnelles en vigueur. La consultation des groupes d’intérêt concernés doit avoir lieu. La mise en évidence de la signification d’un site doit rester la première priorité à travers l’ensemble des démarches.

Article 6.

La recherche est fondamentale dans tous les aspects de la conservation. Chaque étape dans le processus de la conservation doit se baser sur les résultats d’une recherche.

Article 7.

Une documentation consultable sur les mesures de conservation doit être tenue à jour et protégée. Elle comprend toutes les formes de documentation historique et contemporaine, y compris une documentation détaillée de chaque étape du processus de la conservation.

Article 8.

Une structure organisationnelle compétente, indépendante et permanente doit être mise en place. Le management du site doit être renforcé dans le cadre de la loi. Tous les professionnels doivent recevoir une formation spécialisée et n’être autorisés à intervenir qu’après avoir fait preuve de leur maîtrise. Une procédure est à établir par laquelle un comité d’experts passe en revue tous les aspects importants du processus de la conservation. Les membres de ce comité auront une éducation supérieure et des qualifications professionnelles dans le domaine, ainsi qu’une sérieuse expérience pratique.

Chapitre deux : Le processus de la conservation

Article 9.

La conservation des sites patrimoniaux comporte six étapes à franchir dans l’ordre suivant ; (1) identification et étude; (2) évaluation; (3) déclaration formelle en tant que site officiellement protégé et détermination de sa classification; (4) préparation d’un plan directeur de conservation; (5) mise en œuvre du plan directeur de conservation; (6) revue périodique du plan directeur. En principe, il n’est pas permis de se départir de ce processus.

Article 10.

Le processus d’identification et d’étude des sites patrimoniaux comporte une analyse générale à grande échelle et un inventaire; une étude plus approfondie de sites sélectionnés; et une étude détaillée des sites les plus importants. Ces études couvrent l’examen de tous les vestiges et témoignages historiques et de la documentation pertinente, ainsi que l’examen de l’environnement immédiat.

Article 11.

Le processus d’évaluation consiste à définir les valeurs d’un site, son état de conservation et les conditions de sa gestion. L’évaluation comprend l’analyse de la documentation historique et une inspection sur place de la situation existante. Des sites archéologiques de découverte récente peuvent nécessiter des fouilles exploratoires à petite échelle en vue de leur évaluation; celles-ci ne peuvent être effectuées qu’après approbation, conformément à la loi.

Article 12.

Sur base des résultats de l’évaluation, la déclaration formelle du site en tant que bien culturel officiellement protégé et sa classification doit être prononcée par le niveau gouvernemental compétent. Tous les sites déclarés biens culturels protégés sont soumis à quatre exigences légales : la délimitation des limites du site; l’érection d’un panneau indiquant le statut de bien culturel protégé; la création d’archives de documentation; et la désignation d’une organisation ou d’une personne en charge de la gestion du site. Une zone tampon doit être établie en vue de contrôler le développement autour des limites du site et de préserver le paysage naturel et culturel.

Article 13.

La préparation d’un plan directeur de conservation pour le site doit se baser sur les résultats de l’évaluation. Le plan directeur doit avant tout définir les principaux objectifs de la conservation, en même temps que les mesures de conservation appropriées pour les atteindre. Un plan directeur modèle comporte des stratégies pour les quatre composantes suivantes : les mesures de conservation, un usage approprié, la présentation / interprétation, et la gestion. Dans la cadre du plan directeur, des plans spécifiques peuvent être dressés pour des zones ou des composantes particulières du site. Tous les plans directeurs de conservation, spécialement ceux des secteurs historiques (villages et villes) doivent être étroitement coordonnés avec les plans de développement officiels locaux. Après approbation de ces plans directeurs de conservation conformément à la loi, ils seront intégrés dans les plans locaux de développement urbain ou rural.

Article 14.

En vue de mettre en application le plan directeur de conservation, des plans d’action spécifiques doivent être dressés. Les plans d’action pour les interventions de conservation doivent se conformer aux normes gouvernementales et aux lois et règlements en vigueur et doivent être officiellement approuvés avant leur mise en œuvre. Les plans d’action d’interprétation du site de d’éducation du public doivent aussi être élaborés dans le cadre du plan directeur.

Article 15.

Le plan directeur de conservation doit être revu périodiquement afin d’évaluer son efficacité générale et de tirer les leçons de l’expérience de sa mise en œuvre. Si des manquements apparaissent ou si de nouvelles circonstances se présentent, alors le plan directeur original doit être revu en conséquence.

Article 16.

Le plan directeur de conservation et les plans d’action pour les interventions majeures doivent être passés en revue et évalués par un comité d’experts des professions concernées.

Article 17.

La gestion quotidienne est une partie intégrale de chaque aspect de la conservation des sites patrimoniaux. La principale responsabilité des gestionnaires de site est de prendre à temps les mesures pour éliminer les menaces et prévenir des dommages et détériorations. La gestion est aussi responsable de l’amélioration permanente de la qualité de la présentation et de l’interprétation et pour rassembler et archiver la documentation intéressante. La gestion doit veiller à ce que la mise en œuvre soit conforme au plan directeur de conservation approuvé.

Chapitre trois : Principes de conservation

Article 18.

La conservation doit être entreprise in situ. C’est seulement en présence de périls naturels incontrôlables ou lorsqu’un projet de développement majeur d’importance nationale est entrepris et que le déplacement est la seule possibilité de sauvegarder les éléments d’un site que ces éléments peuvent être déplacés dans leur état historique. Un déplacement ne peut être entrepris qu’après due approbation, en conformité avec la loi.

Article 19.

Une intervention doit être minimale. Sauf pour une maintenance de routine, il n’y a pas lieu d’intervenir sur des parties d’un édifice ou d’un site qui ne sont pas sous la menace imminente d’un dommage sérieux. Une intervention ne doit être entreprise que lorsqu’elle est absolument nécessaire et doit se limiter à un minimum. Les principaux objectifs des mesures de conservation et de gestion sont de préserver les conditions existantes du site et de freiner sa détérioration.

Article 20.

Une maintenance régulière est la première et la plus importante mesure de conservation. Un programme de maintenance de routine doit être établi pour assurer un suivi régulier, pour identifier et éliminer les périls potentiels et pour remédier aux détériorations mineures.

Article 21.

Les vestiges physiques doivent être conservés dans leur condition historique, sans perte de témoignage. Le respect pour la signification des vestiges physiques doit guider toute restauration ; les vestiges et les traces d’événements ou de personnages significatifs doivent être préservés. Les interventions techniques ne doivent pas compromettre un traitement ultérieur de l’édifice originel. Les résultats d’une intervention doivent rester discrets par rapport à l’édifice originel ou à un traitement antérieur, mais doivent néanmoins pouvoir être distingués. Des archives de documentation détaillées de toute restauration doivent être conservées, et il doit y avoir une signalisation permanente indiquant la date de l’intervention.

Article 22.

Les techniques et les matériaux doivent être choisis sur base des exigences de la conservation. La technologie et l’artisanat traditionnels spécifiques doivent être préservés. De nouveaux matériaux et de nouvelles techniques ne peuvent être utilisées qu’après avoir été testées et avoir fait leur preuve et ne peuvent en aucun cas causer un dommage pour le site.

Article 23.

Des critères esthétiques appropriés doivent être observés. La valeur esthétique d’un site trouve sa source dans son authenticité historique. Des altérations à la condition historique ne peuvent avoir lieu dans un but cosmétique ou pour compléter un édifice.

Article 24.

L’environnement d’un site patrimonial doit être conservé. Les paysages naturels et culturels qui sont parties de l’environnement d’un site contribuent à sa signification et doivent être intégrés dans sa conservation. Les éléments de l’environnement qui seraient hasardeux ou qui auraient un effet négatif sur le paysage doivent faire l’objet d’un traitement. La supervision et la gestion de l’environnement doivent être améliorées et les mesures appropriées de conservation et de gestion doivent être proposées quand le besoin en est établi.

Article 25.

Un édifice qui ne peut plus survivre ne doit pas être reconstruit. Ce n’est que dans des cas spécialement autorisés qu’un choix réduit de tels édifices peuvent être reconstruits in situ. Cela ne peut se faire que là où existent des preuves précises, confirmées par des experts. Une reconstruction ne peut être entreprise qu’après qu’une procédure ait été accomplie et dûment approuvée, dans le respect de la loi, et qu’une autorisation ait été donnée. La reconstruction d’édifices doit être clairement indiquée en tant que telle.

Article 26.

Durant les fouilles archéologiques, le plus grand soin doit être apporté à la conservation des vestiges physiques. Un plan concret de conservation de site, à la fois durant et après les fouilles, doit être soumis pour tous les sites où des fouilles sont programmées. Le plan de fouilles et de conservation doivent être soumis conjointement. Une fois approuvés, les deux plans sont à mettre en œuvre de manière concordante. Des fouilles de sauvegarde requièrent aussi un plan de traitement des matériaux et des objets découverts.

Article 27.

La prévention des désastres et les mesures d’urgence nécessitent un examen approfondi des dangers qui menacent un site et ses visiteurs. Des plans détaillés de sauvetage et de réaction aux désastres doivent être dressés. Les édifices et les lieux publics doivent être d’un accès limité quant au nombre de visiteurs, pour éviter tout engorgement. Les installations et les équipements de prévention des désastres recevront la plus haute priorité. Il est strictement interdit d’entreprendre quelque activité sur un site qui présente des risques pour les visiteurs ou pour le site lui-même.

Chapitre quatre : interventions de conservation

Article 28.

Les interventions de conservation sont des mesures techniques de traitement des dommages ou des détériorations à un site ou à son environnement. Un traitement couvre les quatre catégories suivantes : entretien régulier, protection et consolidation physique, restauration mineure et restauration majeure. Chaque intervention doit avoir des objectifs clairs et avoir recours à des méthodes et des matériaux testes et éprouvés. Toutes les mesures techniques doivent être documentées et archivées.

Article 29.

Un entretien régulier est une mesure préventive qui réduit le dommage dû aux effets combinés des facteurs naturels et de l’action humaine. Il est applicable à tous les sites. Un programme approprié de maintenance, qui comprend le suivi continu de problèmes potentiels et la tenue de rapports doit être instauré et mis en œuvre conformément aux normes admises.

Article 30.

Une protection physique et des mesures de consolidation sont destinées à prévenir ou à réduire tout dommage à un site ou à un édifice. Ces mesures elles-mêmes ne doivent pas endommage l’édifice originel et doit, dans toute la mesure du possible, s’intégrer dans le caractère originel global. De nouvelles structures de protection doivent être simples, pratiques et les moins encombrantes possible. Les constructions de protection qui servent aussi de musée ou de centre d’interprétation doivent en priorité répondre aux besoins de protection.

Article 31.

Une restauration mineure comprend un série de mesures d’intervention qui peuvent être entreprises sans perturber la structure originelle, sans ajout de nouveaux éléments et sans fondamentalement modifier l’état général existant. Le plus souvent, ce type d’intervention consiste dans la correction d’éléments déformés, déplacés ou effondrés, la réparation d’un nombre réduit d’éléments endommagés et le retrait d’additions ultérieures sans signification. Un rapport détaillé doit garder trace des éléments qui ont été retirés ou ajoutés.

Article 32.

Une restauration majeure est une intervention qui entraîne le plus d’incidences sur la construction originelle. Elle comprend de rétablissement d’une structure stable par l’utilisation d’éléments essentiels de renforcement et la réparation ou le remplacement d’éléments endommagés ou manquants. La décision de restaurer en entreprenant un désassemblage de la structure doit être prise avec prudence. Tous les problèmes révélés au cours de l’opération de désassemblage doivent être résolus, de manière telle que la structure ne nécessite plus de nouveau traitement avant longtemps. Dans toute la mesure du possible, la restauration doit préserver les vestiges ou les traces de périodes jugées significatives. La forme et les matériaux des éléments de remplacement seront conformes aux indications de la construction existante. Seuls les éléments susceptibles d’être endommagés durant le travail de restauration seront désassemblés et retirés; lorsque la restauration est terminée, ils doivent avoir retrouvé leur situation historique. Un déplacement de l’édifice, s’il est approuvé, relève de cette catégorie d’intervention.

Article 33.

Une reconstruction in situ est une mesure exceptionnelles qui ne peut être entreprise que dans des circonstances exceptionnelles. Lorsque l’autorisation a été donnée de reconstruire in situ, la priorité doit être donnée à la conservation des vestiges restants, sans les endommager pendant l’opération. La reconstruction doit être basée sur la documentation directement observée. Une reconstruction de conjecture est à proscrire.

Article 34.

Le traitement du contexte est une mesure globale destinée à prévenir tout dommage dû aux facteurs naturels ou à l’action humaine, à mettre en lumière la condition historique du site et à en permettre un usage rationnel. Le traitement du contexte comporte principalement ce qui suit : retrait de structures dangereuses et de débris ayant un effet négatif pour le paysage; restriction aux activités industrielles et sociales susceptibles de nuire au site; élimination d’une pollution environnementale nuisible; établissement d’équipements et de services pour garantir la sécurité du public et du site; et aménagement paysager. Les constructions de service doivent être le plus possible éloignées du site. Les équipements d’exposition et d’accueil des visiteurs doivent s’intégrer par leur style et être localisés dans le voisinage. Les aménagements paysagers doivent viser à restaurer le site dans sa condition historique, sans l’affecter de manière négative; on évitera de recourir à des conceptions et à des styles contemporains dans les aménagements paysagers et des jardins.

Article 35.

Normalement, les sites archéologiques, les ruines et les tombes qui ont été fouillés seront ré-enterrés, après avoir accompli le travail de recherche nécessaire, en vue de conserver le site et de le protéger contre les vols. Toutefois, dans des circonstances particulières, l’autorisation peut être donnée de maintenir exposé un site fouillé, après avoir pris des mesures de conservation. Dans ces cas, les conditions existantes doivent être strictement préservées et les interventions doivent être réduites au minimum, à part un entretien régulier. Seuls les éléments qui ne peuvent être conservés in situ seront déplacés et conservés dans un autre lieu.

Chapitre cinq : Principes additionnels

Article 36.

Ces Principes peuvent aussi s’appliquer à la conservation de l’état et du contexte historique de lieux commémoratifs où d’importants événements historiques ont eu lieu.

Article 37

Ces Principes peuvent de plus s’appliquer dans l’élaboration de directives de conservation pour les paysages culturels et historiques dans des zones paysagères, dans les “Villes historiques et culturelles célèbres” et dans les sites sous-marins.

Article 38

Ces Principes ont été élaborés et adoptés par la Section chinoise de l’ICOMOS. Leur diffusion publique a été approuvée par l’Administration du Patrimoine culturel de l’Etat. La Section chinoise de l’ICOMOS est chargée de l’interprétation de ces Principes et de ses annexes. Pour l’adoption d’amendements, la même procédure est à respecter.


Première analyse des Principes de conservation en Chine

1. La publication des “Principes pour la conservation des sites patrimoniaux en Chine” est un événement majeur.

Depuis quelque temps, des voix s’élèvent pour mettre en garde contre la prolifération des chartes, conventions et autres textes doctrinaux. Certes, chacun s’accorde à reconnaître que les échanges entre professionnels ont permis de l’élaboration de grands principes pour la conservation du patrimoine culturel. Mais le grand nombre et le caractère inégal des chartes nuisent à leur crédibilité. On leur reproche, notamment, d’être de portée très générale et de permettre des interprétations diverses, voire divergentes.

Et pourtant, l’initiative de publier les “Principes pour la conservation des sites patrimoniaux en Chine” doit être saluée comme un événement majeur et comme la démonstration de l’intérêt de ces textes doctrinaux lorsqu’ils sont bien conçus.

Au demeurant, les Principes ne font que répondre à la recommandation de la Charte de Venise de 1964, acte fondateur de la pratique moderne de la conservation : “L’humanité, qui prend chaque jour conscience de l’unité des valeurs humaines, considère les œuvres monumentales comme un patrimoine commun… Il est dès lors essentiel que les principes qui doivent présider à la conservation et à la restauration des monuments soient dégagés en commun et formulés sur un plan international, tout en laissant à chaque nation le soin d’en assurer l’application dans le cadre de sa propre culture et de ses traditions.

2. Présentation en deux parties : principes et commentaires.

Sur le plan formel, le document innove en comportant deux parties distinctes et complémentaires :

– D’une part, un texte de portée globale énonce des principes généraux et présente une procédure et des orientations pour la conservation, en distinguant les types d’intervention de conservation. Cette partie traite des concepts et des orientations générales.

– D’autre part, un commentaire détaillé précise ces principes de manière explicite et énumère toutes les situations auxquelles un professionnel est confronté dans sa pratique. Cette seconde partie est une initiative originale extrêmement éclairante et utile. Dans un langage méthodique et clair, des définitions sont proposées, des situations de terrain sont analysées et les diverses formes d’intervention exposées de manière concrète.

Le document est complet. Il constitue une référence de base et une sorte de “boîte à outils” que tout professionnel de la conservation devrait garder à portée de main pour une consultation courante. Toutefois, sa longueur requiert une étude attentive, voire une formation systématique, pour bien saisir et maîtriser toute la richesse de ses indications.

3. Un contenu complet et fort élaboré.

Quant au fond, les Principes offrent une remarquable synthèse des grands courants actuels de la conservation du patrimoine culturel au plan international, avec un apport particulier qui tient à la richesse et à la diversité du patrimoine de la Chine et aux longues traditions de sa préservation et de sa restauration.

Fondamentalement, les Principes s’inscrivent explicitement dans les grandes lignes de la Charte de Venise et des principales conventions internationales dans la mise en œuvre desquelles la Chine joue d’ailleurs un rôle actif de premier plan, notamment dans la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial culturel et naturel de 1972 : interventions minimales et réversibles, approche interdisciplinaire, conservation intégrée, importance de la maintenance régulière, respect de l’authenticité, préservation de la zone environnante, respect des apports de toutes les périodes historiques au monument, interdiction d’additions ou de reconstructions de conjecture.

Il faut relever que, le plus souvent, de par sa longue tradition de conservation du patrimoine, les professionnels et artisans chinois en charge de la gestion des palais, temples et tombes appliquaient déjà ces normes avant qu’elle n’aient même été codifiées !

Quant aux concepts, les Principles intègrent les grandes préoccupations des dernières années :

– définition de l’authenticité dans l’esprit du Document de Nara (1994),
– importance de la dimension immatérielle et des valeurs d’un bien culturel,
– respect des éléments décoratifs,
– ouverture aux paysages culturels,
– insistance sur l’environnement,
– reconnaissance des sites commémoratifs,
– prise en compte des tombes et des cimetières.

Quant aux méthodes, le document intègre aussi les dernières recommandations communément admises par la communauté internationale :

– le processus de prise de décision, selon les schémas de la Charte de Burra,
– la participation des habitants.
– la reconnaissance du patrimoine des ethnic groups et des religions
– l’importance du master plan et du management plan, conformément aux exigences des Guidelines for the implementation of the World Heritage Convention,
– la présentation et l’interprétation des sites patrimoniaux,
– the risk preparedness,
– la prise en compte de la valorisation économique : le patrimoine considéré comme ressource,
– la maîtrise de la fréquentation touristique,

4. Interrogations quant au contenu

– la dimension sociale du patrimoine n’est pas affirmée comme telle, mais au travers de sa dimension historique, alors que le facteur social pourrait être reconnu comme une valeur en soi, comme c’est le cas dans de nombreux pays; une approche anthropologique mériterait d’être mieux promue.
– le concept de cultural routes n’est pas défini ni analysé, alors que la Chine en offre de remarquables exemples, à commencer par les divers itinéraires de la Silk Road.
– les ensembles urbains et ruraux sont certes évoqués, mais l’attention ne semble pas attirée suffisamment sur cette problématique, alors que la Chine connaît un développement économique spectaculaire qui les affectent directement et gravement : on ne saurait assez recommander d’établir une liaison avec la Recommandation de l’Unesco concernant la sauvegarde et le rôle contemporain des quartiers historiques (Nairobi, 1976). Il est étonnant, et sans doute inquiétant, d’apprendre que c’est le Ministère des Constructions, et non les Services culturels du patrimoine, qui a autorité sur les “centres anciens et les districts urbains et les villages traditionnels”, sans tenir compte des Principes.
– si les paysages culturels sont dûment traités, on peut s’étonner de ne pas voir le patrimoine naturel, en tant que tel, mieux évoqué dans les Principes, alors que dans, comme dans beaucoup de régions du monde, en Chine particulièrement, la relation féconde entre culture et nature mérite amplement d’être mise en lumière.

5. Interrogations quant à la démarche et à l’implémentation.

– Appropriation des Principes par les acteurs de terrains :

La démarche d’élaboration des Principes semble avoir été entamée et conduite par les autorités en charge de la conservation du patrimoine, en dialogue avec des experts internationaux, en partant du sommet. Cela se traduit dans leur caractère exhaustif et rationnel. Mais il convient à présent que les professionnels chinois de la conservation et que les acteurs de terrain se les approprient, les appliquent aux situations concrètes auxquelles ils sont confrontés et en deviennent les défenseurs envers les décideurs publics et privés. A cet égard, il semble avoir été question de rassembler des illustrations de bonnes pratiques, de manière à visualiser les mesures préconisées : on ne peut que recommander un tel exercice.

– Diversité du patrimoine en Chine :

Les Principes ont une portée générale pour l’ensemble du territoire. Dans sa mise en œuvre, compte tenu de l’étendue du territoire et de la diversité du patrimoine due aux différences de climats, de conditions économiques et aux particularités culturelles, il faudra probablement accepter une adaptation des principes aux situations particulières de telle ou telle région. Comme la participation des populations locales est prévue, cette adaptation devrait sans doute intervenir d’elle-même.

– Appui déterminé des autorités publiques :

Devant la rapidité des changements économiques et sociaux que connaît la Chine contemporaine, de graves dangers menacent le patrimoine culturel et, en particulier, les quartiers urbains anciens et les villages traditionnels. Pour éviter les dégâts observés dans tant de pays, la zone tampon autour des biens culturels doit être protégé avec détermination. Plus généralement, une approche de conservation intégrée des responsables de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, qui relèvent du Ministère des Constructions, sera nécessaire pour assurer la sauvegarde et la réhabilitation des ensembles urbains et ruraux et respecter l’identité et le mode de vie de leurs habitants.

6. Conclusion

Les “Principes pour la conservation des sites patrimoniaux en Chine” démontrent l’intérêt d’une adaptation des impératifs de la conservation du patrimoine culturel à un pays et à ses traditions. Non seulement ils dégagent une excellente synthèse des pratiques communément admises, mais ils les enrichissent de la longue expérience et des approches particulières de la Chine. En ce sens, les Principes concourent à leur tour à la réflexion commune. C’est une belle illustration de la fécondité des échanges entre les cultures et une contribution à la compréhension mutuelle.

Observons au passage combien les Principes s’affirment en conformité avec les idéaux de la Convention du Patrimoine mondial. Ils ne traitent pas seulement des sites patrimoniaux chinois, mais ils s’appliquent aux sites patrimoniaux situés en Chine. Belle leçon d’ouverture à la responsabilité envers les témoignages des diverses cultures !

Share this content:

Ali DABBAGHI
Ali DABBAGHI

Ingénieur Général spécialiste des systèmes d'information et de communication, مهندس عام في نظم المعلومات والاتصالات General Engineer information and communication systems

© 2010-2021 Institut National du Patrimoine Tunisie, 04, place du château 1008 Tunis المعهد الوطني للتراث، 04 ساحة القصر باب منارة 1008 تونس Tél. +216 71 561 622, Fax : +216 71 562 452 Inc. Tous Droits réservés. Web Master

RSS
Follow by Email